Contributions - Les Français Libres

Les Français Libres, de juin 1940 à juillet 1943

 
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LA BIERE DU ROI ALBERT

Bir Hakeim. observatoire avancé, 8 juin 1942.
L'observatoire avancé est situé en dehors du champs de mines qui entoure la position. Une petite ceinture de mines nous sépare du reste du désert et des troupes d'assaut allemandes prêtes à l'attaque.
Les deux abris à ciel ouvert que nous avons creusés sont larges. Dans l'un se trouve le camion radio servi par Grégoire et Canal, l'observatoire est occupé par Chavanac notre capitaine, le camarade Rolle et moi-même, téléphoniste. Un canon de 75 antichar préposé à notre défense est à cent pas sur la droite.
Accompagnant le lever de soleil, une brume épaisse s'installe et couvre tout. Le bruit de chars allemands manœuvrant en approche fait vibrer nos tympans en résonance.
Bientôt la brume se déchire. Avec nos binoculaires, nous observons le « spectacle » et communiquons au PC les premières données par téléphone. La liaison ne dure pas deux minutes. Nous voyons certes, mais nous sommes vus. Un obus antichar allemand tiré rasant percute le parapet et déchiquette les fils téléphoniques qui en partent. Puis un deuxième obus arrive sur le camion radio, détruisant les installations. Canal crie " Mon Capitaine, je suis blessé ». Impossible pour lui et Grégoire de courir sur les dix mètres qui nous séparent sans se faire descendre. Je regarde à la binoculaire et n'ai pas le temps de mettre au point qu'un obus encoche le parapet à 10 cm de l'objectif.
Ces obus à grande vélocité sont agaçants au possible car on entend l'impact avant le claquement du coup de départ ; on dirait une bouteille de Champagne que l'on débouche, mais Dieu que ça pète sec, aucune résonance harmonieuse, juste le bruit, un centième de seconde, pas d'harmoniques. En tant que mélomane, je suis offusqué. Je préfère les noirs bémols des bombes qui chutent en quart de tons de cithare indienne. Mais je déteste autant les croches acérées des éclats qui déchirent.
Notre 75 antichar commence à tirer, mais il est immédiatement repéré. Un projectile le touche de plein fouet, disloquant le canon et tuant quatre des servants sur cinq.
Peu après, un court répit nous vient du ciel. Je vois un Hurricane descendre lentement en léger piqué comme à l'exercice, tirer quatre coups de canon bien ajustés et virer, mission accomplie : le char qui nous agressait, touché à mort, s'enflamme.
Grégoire et Canal en profitent pour nous rejoindre. Canal a le bras salement perforé. Nous retendons au mieux.
Commence alors la longue attente, cloués dans notre trou sous le soleil brûlant, coupés de communications. Le silence s'installe dans la tranchée.
À la tombée de la nuit, le bruit des combats se calme. Albert, le roi Albert, notre bon capitaine, estime qu'il est possible de regagner le camp retranché.
Il sort alors la bouteille de bière qu'il avait gardée toute la journée. Nous n'avions pas bu depuis le matin, sauf Canal qui eut droit à la seule gourde disponible.
Cette bière, je ne l'ai jamais oubliée. Nous en avons bu chacun une gorgée et puis nous sommes sortis sans ennuis, retrouvant les camarades qui nous croyaient morts.
Cette bière, c'est la générosité, l'amitié, la gentillesse de Chavanac. Elle m'est restée gravée dans la mémoire.

Pierre SIMONET, compagnon de la Libération

ROUMEGUERE le lundi 21 décembre 2015

Contribution au livre ouvert de Albert Gaston Chavanac

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