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" Au cœur de l'été de 1941, la nouvelle flotte française prouva à un tel point sa va'eur que l'Angleterre demanda son assistance pour la défense du Moyen-Orient. L'homme tout désigné pour cette tâche était le commandant Kolb-Bernard, qui avait commandé en Angleterre un groupe de huit patrouilleurs et en avait fait une formidable arme défensive. En arrivant en Egypte, il trouva quelque deux cent ^ cinquante marins français désœuvrés, mais pleins d'ardeur, bien que manquant de navires — et, d'autre part, dans le Canal de Suez, des remorqueurs qui attendaient les bombardements sans la moindre défense aérienne. Logique, Kolb-Bernard mit les marins sur les bateaux, leur donna des pièces de D. C. A. et poussa l'entraînement de cette minuscule marine dont les unités jaugeaient de 3 à 600 tonnes.Le travail d'organisation, en Syrie et au Liban, fut infiniment plus difficile. A l'exemple de l'armée qui, pauvre comme un rat en 1940-1941, s'était construit un excellent matériel de guerre avec des pièces récupérées sur des machines abandonnées, Kolb-Bernard construisit sa marine de tous les éléments humains capables de servir qu'il put trouver. Ses appels aux volontaires lui amenèrent des officiers de réserve du Canal de Suez, des marins marchands qui refusaient d'obéir à Vichy, une partie du second régiment des fusiliers marins et quantité de gens de mer qui, en l'absence de navires, avaient pris du service dans l'Armée ou l'Aviation, et ne demandaient pas mieux que d'embarquer à nouveau.
Mais il fallait encore des hommes et, en l'absence de spécialistes européens, Kolb-Bernard négocia avec les gouvernements du Liban et de la Syrie, pour leur emprunter des indigènes volontaires. Il ne s'attendait certes pas à l'afflux qu'allait déclencher sa demande. Des pêcheurs Sunnites arrivèrent de l'île de Rouad, des Alaouites qui adorent un Dieu-vivant, montèrent à l'assaut des bureaux de recrutement en nombre tel que l'on dut en renvoyer des milliers. Ils ne venaient pas comme des mercenaires. Ils pensaient défendre ainsi leur propre territoire. Ce n'est pas l'argent qui les attirait — deux shillings par jour, — la paie du simple matelot anglais et français. Ils gardaient leur nationalité, bien que portant l'uniforme français, mais avec un béret alpin au lieu du bonnet à pompon rouge.
Kolb-Bernard créa des centres d'instruction, pour dresser cette masse disparate et en faire quelque chose d'à peu près homogène. Ils s'y mirent de tout cœur, et leur bonne volonté et leurs espérances, sous leurs peaux plus ou moins sombres, étaient égales. Un entraînement intensif en a fait le personnel expert que je vois aujourd'hui, un corps de marins combattants que les marins de l'Axe et ceux de la flotte de Vichy," qui pourrit à Alexandrie, peuvent regarder avec respect, et avec qui l'on doit compter." Laurent Laloup le jeudi 19 juillet 2007 Contribution au livre ouvert de Joseph Marie Antoine René Kolb Bernard | |