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" Au début de mai 1944, un avis de la Kommandantur arrive en mairie. Les postes de T.S.F. déposés par les habitants qui n'ont plus le droit d'écouter la radio seront ramassés. M. QUARRE, secrétaire de mairie me prévient. J'alerte aussitôt Alphonse PASCO, Raymond PICHERIT, René VILCOQ, l'Abbé ROCHARD et André BIAUX qui décident, la nuit suivante, de camoufler les postes dans le grenier de l'école en simulant un cambriolage. Il n'y a pas d'escalier, le grenier n'est accessible qu'avec une échelle accrochée sous le préau de l'école. Les postes furent cachés sous les fagots qui servaient à allumer le feu dans les classes. Lorsque les Allemands en retraite ont occupé l'école, ils voulurent savoir ce qu'il y avait dans le grenier : mon beau-père avait cassé des barreaux de l'échelle pour la rendre inutilisable. Ils ne purent trouver une échelle dans le pays et ainsi les propriétaires des postes purent les retrouver à la libération. Moi j'avais gardé le poste de Mme DOUDARD avec son accord et je le cachais dans la cheminée pour écouter Londres et les messages. Pour le parachutage de notre secteur c'était « Les lions attendent Icare ». Avant mon arrestation je n'ai pas eu l'occasion d'avoir un parachutage.
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Le 19 mai 1944 Louis MAURY et Jules OVERLACK sont arrêtés sur dénonciation d'un agent de police faisant parti des corps francs. Le 20 mai André BIAUX est arrêté à son travail chez M. JOACHIM. Le 22 mai au matin ce sont Maurice LEGOUX à Quittebeuf et l'Abbé ELIOT de Bérengeville, l'après midi vers 15 heures 15, je suis arrêté par la Gestapo dans ma classe au milieu de mes élèves. Ils me fouillent pour voir si je suis armé et me disent « Police allemande, on vous arrête ». Ils me font sortir et ne permettent pas que j'embrasse ma femme qui tient mon fils dans ses bras, me passent les menottes et me font monter dans la traction garée devant la porte. Ils me demandent de les conduire chez Roland HUET. Je déclare ne pas le connaître. Ils démarrent vers Evreux et s'arrêtent à la maisonnette du Moulin Heulin où demeurait André BIAUX arrêté le 20 mai. Deux policiers descendent pour fouiller la maison, le troisième me garde avec sa mitraillette. Après quelques minutes ils ressortent, sans avoir rien trouvé. Ils interrogent Mme SELLIER qui remplace la mère de BIAUX partie dans la famille LEBAS où le père est décédé. Je n'ai pas entendu la conversation. Celui qui parle français me demande de les conduire dans un petit hameau de Brosville. Je sais que Roland HUET demeure à Carcouet. Je pense tout de suite à les emmener aux Collets qui se trouve à l'opposé. Dans la plaine entre les Collets et Bérengeville ils s'arrêtent pour interroger un ouvrier agricole : Paul DAMIENS qui a dû leur dire qu'il travaillait à la ferme LENFANT. Ils font demi tour et vont à la ferme. Dans la cour il y a un ouvrier qui charge du fumier dans un tombereau. Ils l'interrogent et je crois entendre le mot cousin. Je fais signe à celui qui parle français en lui disant que c'est un prisonnier de guerre qui vient d'être relâché car il est fou. Il lui demande ses papiers et je croyais qu'il allait l'embarquer. A ce moment-là, Mme LENFANT est sortie et a dû donner la même explication. Il lui a rendu ses papiers et nous sommes partis pour la prison d'Evreux. "
www.memoresist.org  Laloup Laurent le mercredi 27 mai 2009 Contribution au livre ouvert de André Marc Hubert Biaux | |