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"Maurice Albord m'aide à empoigner M. André. Nous le portons, nous le trainons. Lui-même demande à être déposé au bord de la route. Nous nous y refusons d'abord ; mais nos propres forces nous trahissent et la distance d'avec le gros de l'effectif augmentant, nous étions obligés d'abandonner notre cher malade. Pensez si j'avais le cœur gros, si l'arrêt en pleine route était un échec alors que depuis des semaines, après la mort de mes meilleurs amis, je m'étais juré de ramener au moins Ravarit.
C'est alors que je vis M. André se signer. Le militaire qui fermait la marche m'ordonna de déposer M. André derrière une haie à trois mètres de la grand-route, presque sous l'église qui dominait la pente assez abrupte à cet endroit, pour autant que mes souvenirs sont exacts.
« Embrasse-moi », ce que je fis avec quelle dévotion. « Tu diras aux miens que j'étais courageux ». Puis, ce fut pour moi et pour Maurice Albord l'inévitable « Los, los, schnell, schnell ».
Un dernier regard très furtif et nous continuons notre marche, 15 mètres, 20 mètres au plus, pour entendre [...] le bruit de la balle tirée à bout portant destinée à donner la mort [...]. Nous les avions entendues si souvent ces exécutions de nos chers malades, impuissants de poursuivre leur route que de suite toute notre attention se portait en prières pour celui qui, victime et martyr, paraissait devant Dieu. [...]
Joseph Kessel
(André RAVARIT) par Isabelle BRUNETA"
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Déporté à Buchenwald , libéré à Neu Stassfurt le 11.04.1945 www.bddm.org  Laurent Laloup le dimanche 26 octobre 2008 Contribution au livre ouvert de Maurice Antoine Albord | |