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Trait d'Union, revue des dentistes retraités :
DEVOIR DE MEMOIRE
Faisant suite à la publication dans notre dernierTU 85 de la relation par le professeur Charles Sebban de ses souvenirs du Corps Expéditionnaire Français en Italie en 1943-44, j'ai reçu d'un autre confrère très héroïquement et volontairement engagé au cours de la Seconde Guerre Mondiale, le courrier qui suit.
J'ai pensé de mon devoir de ne pas laisser ces exploits méconnus, surtout de ceux de notre génération qui ont vécu cette période douloureuse de notre histoire.
Alors n'hésitez pas à me rapporter ce que fut votre vie à cette époque.
Voici la lettre de Jack Quillet.
Mon cher Confrère
Vous remerciant de votre appel téléphonique, je vous adresse la photo demandée. Vous avez la coupure de presse donnant un aperçu des actions qui ont motivé cette « remise tardive » de cravate. 58 ans se sont écoulés entre mon attribution de Légion d'honneur et mon élévation à la dignité de Commandeur... Alors, maintenant me voilà pourvu de deux belles cravates, une rouge et une bleue. Difficile de mettre les deux, sauf le moment venu...
En 1942-43, mon confrère, concurrent et ami à Allevard les Bains était Léo Hanachowicz qui était un actif résistant et le meilleur de l'équipe de football. Bien sûr, dès nos retrouvailles, il m'a chargé de l'implantation de l'UFSBD dans le Val d'Oise, puis dans le Vaucluse. Le 5 mai 1943, c'est par la fenêtre de mon salon d'attente que j'ai pu échapper aux nuisibles : gestapo, milice.
En arrivant en Angleterre, craignant de faire, comme en 1939, campagne dans le service de santé j'ai caché ma profession et en arrivant en Ecosse, j'ai répondu au Colonel Bourgoin (le manchot) qui m'interrogeait que j'étais photographe. Quant au grade, j'ai dit que j'étais adjudant, grade correspondant à celui des dentistes auxiliaires et j'ai exercé les fonctions d'adjudant de compagnie, je n'y connaissais rien et ça a été la pagaille, pendant quelques jours dans cette compagnie. Heureusement, sur le plan connaissances militaires, j'en étais au même point que tout le monde car nos missions de combat étaient très différentes de celles de l'infanterie. Nous étions parachutés pour mener des actions par petits groupes pour empêcher les unités ennemies de Bretagne de monter sur le front de Normandie. Nous étions formés par les SAS britanniques pour faire sauter des trains, des ponts, des chars, des QG nazis, enfin fiche la pagaille chez les Teutons. Même chose dans les Ardennes belges puis en Hollande. Un vrai plaisir Après avoir fait mes preuves, j'ai surpris Bourgoin en lui disant que j'étais dentiste. Il m'a dit en riant « ma femme aussi ». Comme nous étions au repos, dans la région d'Épernay, il a pensé que ce serait une bonne idée d'en profiter pour que je donne quelques soins à mes camarades. Il m'a donné un ordre de mission et une voiture pour que j'aille à Paris chercher du matériel de campagne, j'ai vraiment créé la surprise au ministère où j'ai été incommodé par l'odeur de naphtaline exhalée par les uniformes des chefs et sous-chefs étonnés de voir un dentiste portant un béret rouge, j'ai eu du mal à persuader les gars du bataillon que j'étais un vrai dentiste. Finalement j'ai bien rendu service à certains, très heureux à la perspective de pouvoir croquer la dinde de Noël. Malheureusement, les Américains ont craque devant la contre-offensive de Von Rundstedt et on a passé la nuit de Noël à approvisionner nos chargeurs d'armes diverses, réconforté toute la nuit par les Belges qui quittaient leur réveillon pour nous apporter toutes les heures du café tel qu'ils le faisaient. Deux confrères Cantin et Genest, ainsi qu'un médecin, de Kerilis dit Skinner avaient également caché leur profession.
je viens de mettre le mot « Fin » sur mon manuscrit qui recherche un éditeur... Après ça a été l'Indochine mais ma formation de parachutiste SAS devenu lieutenant ne me permettait pas de commander des hommes au combat. Alors je me suis engagé dans ma spécialité au CLAEO. Après, ayant contracté en Indochine, la nostalgie des cocotiers, je suis parti en Nouvelle-Calédonie. Il n'y avait pas à l'époque de dentiste
dans les villes et villages de l'intérieur;
alors, en plus de Nouméa, j'avais quatre cabinets où je me rendais aux commandes d'un petit avion, j'étais d'ailleurs président de l'Aéro-club, président fondateur du para-club, du club de chasse sous-marine, puis du club de plongée. Comme président de l'Association des Français Libres, j'ai eu l'honneur d'accueillir le Général De Gaulle dans le territoire en 1956 et 1966. Ces contacts ont perduré après mon retour en Métropole. Le titre de mon manuscrit que l'Amiral Philippe De Gaulle apprécie est, vu mon âge, « À très bientôt mon Général ». Mes 91 ans font que lors des réunions de l'UCDN Provence-Côte d'Azur, je ne rate jamais en début des séances de dire deux mots à ce sujet
Espérant avoir le plaisir de vous rencontrer en 2006, après mon prochain voyage à Nouméa, je vous prie d'agréer mon cher président, l'assurance de mes meilleurs sentiments confraternels. »
Jack Quillet Médaille d'argent de l'UFSBD" L. Laloup le mardi 03 juin 2008 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |