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Albert Paul Leglaive - son Livre ouvert ! Vanites, ou Les Souvenirs De Guerre D'un Jeune Francais Libre de Louis Tritschler " Le lendemain, alors que je prends mon thé matinal, j'aperçois le brigadier-chef Leglaive, un "vieux" de près d'une trentaine d'années, motocycliste en titre, qui râle après sa moto. L'étape d'hier l'a éprouvé et il en a "marre" de ses fonctions. Il faut dire qu'en cours de déplacement le rôle de motocycliste n'est pas toujours très drôle. Il est un vrai chien de berger, taillable et corvéable à merci. Rouler en tête de colonne ou en serre-file n'est pas très fatigant, même si la vitesse réduite n'inspire que lassitude et monotonie. Seulement il est rare de ne pas avoir à remonter la colonne pour transmettre un ordre, ou bien à la devancer, puis à revenir pour porter un pli, etc... . A l'arrivée les kilomètres parcourus sont doublés, et la route étant mauvaise, on est rompu. On aimerait alors, après avoir soigné "cocotte", se reposer un peu. Pas du tout. Il n'est pas un officier, ou même un gradé moins galonné, qui n'ait besoin de vous. Malgré leur nombre les motocyclistes de l'escadron ont peu de chance d'échapper à ces corvées.
En ce qui me concerne, je n'apprécie pas d'être brinquebalé comme un sac de pommes de terre dans un camion bâché, et ce, sur route défoncée. Ma charge de brigadier de peloton me fait un devoir de veiller à tout ce qui touche au service intérieur, elle ne m'impose rien en cours de mouvement. Aussi je bondis sur l'occasion et décide de remplacer Leglaive jusqu'à ce que nous soyons arrivés au terme du voyage. Il est naturellement très content de l'aubaine et il ne me reste plus qu'à avoir l'accord de Gayet, ce que j'obtiens facilement.
Je reçois du capitaine la mission de me placer, avec mon camarade Bouchard, lui aussi élève-aspirant, en tête de colonne pour en régler l'allure. La chaussée ne s'est pas améliorée depuis hier, mais nous ne roulons pas vite, une vingtaine de miles à l'heure, et j'ai tout loisir d'éviter les embûches. Je suis plus confortablement assis que dans le camion, et je vois la route devant moi. La lenteur et la régularité de la marche auraient même vite fait de m'ennuyer, si nous n'étions deux et ne pouvions bavarder. En tête pas de poussière et j'ai le sentiment d'avoir devant moi une journée plus agréable que celle d'hier." Laurent Laloup le vendredi 17 octobre 2008 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |