|
"« On voit revenir autour de nous des groupes, des partis, des pseudo-religions qui tiennent des discours racistes ou xénophobes désignant des coupables de tous les maux de la terre. Les laisser dire et les laisser faire est le moyen le plus sûr pour que tout recommence », a insisté, samedi matin, Jérôme Scamps, membre du conseil national de l’ANACR. Daniel Janssens, le maire, a pour sa part rappeler que « ces événements tragiques (exécutions au Vert Galant) font aujourd’hui partie de notre histoire locale et nous fédèrent toujours, plus que jamais, face aux situations dramatiques auxquelles nous sommes confrontés depuis plus d’un an ».
Simone Daems, la présidente déléguée de l’ANACR du Nord (Association des anciens combattants et amis de la résistance) qui coordonnait cette cérémonie au Vert-Galant retraça quant à elle les derniers jours de Jean-Baptiste Jeanssens. Son nom est le premier de la triste liste gravée sur les plaques qui entourent le monument commémoratif situé dans la cour ouest du fort. Fusillé le 4 octobre 1941, son corps n’a jamais été retrouvé mais il est vraisemblablement le premier à y avoir trouvé la mort.
Armes et munitions
Parents de trois enfants, Jean-Baptiste et Fernande Jeanssens sont concierges à l’usine Motte-Blanchot, une filature de coton de Roubaix quand débute la guerre éclair en mai 1940. La débâcle des armées britanniques et françaises entraîne l’abandon de matériel et d’armement mis hors d’usage. Jean et Georges, leurs fils âgés de 20 et 22 ans, font partie d’un groupe de jeunes persuadé que les Anglais reviendront bientôt et qu’il faut se tenir prêt à les épauler. Avec les frères Vollekint et Noël Plouvier, ils récupèrent les armes abandonnées, les stockent dans un local désaffecté de l’usine à l’abri des regards et remettent en état les armes qui peuvent l’être.
Peu de temps après, un incendie éclate dans l’une des grandes maisons des industriels du textile réquisitionnées par les Allemands qui y stockent les munitions abandonnées qu’ils ont récupérées. Se mêlant aux pompiers pour leur prêter main-forte à déblayer, le groupe de jeunes parvient à détourner 3200 cartouches.
Protéger ses fils
Malgré les multiples précautions, une dénonciation parvient aux autorités d’occupation. Le 27 juin 1941, à 18 h, la Gestapo bloque la rue Monge à Roubaix et se présente à la porte de l’usine. Fernande est bousculée mais Jean-Baptiste parvient à faire diversion ce qui permet aux jeunes de s’armer et de prendre la fuite par une autre sortie, rue de Babylone. Il s’enfuit à son tour par les toits et se réfugie dans sa famille à Lys-Lez-Lannoy. Fernande est arrêtée et conduite à la Kommandantur de Roubaix. Les jeunes se sont réfugiés en Belgique. Une filière leur permet de passer la ligne de démarcation. Ils rejoignent Marseille et contactent les Forces françaises libres tandis qu’à Roubaix leur tête est mise à prix 40 000 francs
Ayant appris l’arrestation de son épouse et les risques qu’elle encoure, Jean-Baptiste se constitue prisonnier aux autorités allemandes pour innocenter Fernande. Après un interrogatoire « très sévère », il est jugé et condamné à mort pour complicité de détention d’armes. Condamnée pour les mêmes faits, Fernande est déportée en Allemagne. Ce n’est qu’en 1945, dans un état pénible, qu’elle reviendra dans sa famille roubaisienne pour y retrouver sa fille Denise.
À l’époque, la ville de Roubaix est condamnée à 5 millions de francs d’amende pour mauvaise participation aux recherches des fugitifs.
Après la guerre, la dénonciatrice, Clotilde V, est arrêtée par les services d’épuration et condamnée à dix ans de travaux forcés, dix ans d’interdiction de séjour et à l’indignation nationale à vie. Georges Jeanssens fera carrière dans la gendarmerie à la Martinique tandis que son frère Jean rentrera à Roubaix où il deviendra chauffeur d’ambulances à l’hôpital de la Fraternité."
www.lavoixdunord.fr Laurent le mardi 05 avril 2016 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |