|
" Katharina von Arx (1928-2013) s’est fait connaître par l’admirable travail de restauration de la «Maison du Prieuré» à Romainmôtier (VD), lieu célèbre pour son église romane. Mais elle fut aussi une globe-trotter, une véritable aventurière, une journaliste connue, une dessinatrice de talent, une féministe convaincue, non au travers de déclarations fracassantes, mais par la quête de liberté qui marqua tout son parcours de vie.
Dès 1954, elle quitte son milieu bourgeois pour parcourir le monde: Inde, Chine, Japon. Elle vit de petits travaux et en chantant des chansons folkloriques suisses… En 1956, elle participe comme journaliste à une expédition en Nouvelle-Guinée, avec le photographe français Freddy Drilhon, alors très coté. Leur reportage sur la population autochtone, dont la culture est en voie de disparition, fait sensation. Un amour passionnel naît entre eux, ils se marient et ont une fille, Frédérique.
Découverte de la «Maison du Prieuré»
En 1959, ils découvrent la «Maison du Prieuré» à Romainmôtier. C’est une ruine vouée à la démolition. Ils entreprennent alors un remarquable travail de restauration, qui s’achèvera trente ans plus tard. On peut visiter aujourd’hui cet édifice magnifique du 13e siècle, classé aux monuments historiques. C’est aussi un espace convivial qui comprend un charmant salon de thé et où l’on peut organiser de grands dîners.
Mais, dans l’amour-passion qui les lie, Katharina et Freddy finissent par s’épuiser. Tandis que Katharina s’investit totalement dans cette restauration, avec constamment de lourds problèmes financiers, le Parisien Drilhon étouffe dans la petite localité de Romainmôtier. De tendance dépressive, il a été traumatisé dans son enfance par la froideur puis le rejet par ses parents, et marqué par son expérience de la guerre: à seize ans, il s’est engagé dans la Marine des Forces françaises libres. Dans les années soixante, il quitte sa femme, sa fille et le Jura vaudois pour s’installer au bord de la mer, en Angleterre. Leur amour ne s’éteint pas pour autant. Katharina lui rend de fréquentes visites, jusqu’au jour de 1976 où il s’effondre, presque devant elle, frappé par une crise cardiaque, à l’âge de cinquante ans. Après une année de prostration totale, Katharina se remet à son travail de restauratrice et mènera parallèlement des activités créatrices. Surmontant la déchirure de la séparation, elle constate qu’elle a retrouvé la vie libre dont elle a toujours eu besoin.
Un documentaire-fiction
C’est ce double parcours de vie qu’illustre Wilfried Meichtry dans un film émouvant, Jusqu’au bout des rêves. Celui-ci relève du documentaire-fiction. C’est-à-dire qu’il alterne interviews de Katharina von Arx à divers moments de sa vie, ainsi que de sa fille, extraits d’écrits de Freddy Drilhon, documents d’archives photographiques ou filmiques, belles vues de Romainmôtier, et scènes jouées par des acteurs. Ceux-ci, Christophe Sermet et Sabine Timoteo, sont très convaincants dans les rôles des deux protagonistes. A certains égards, par son genre cinématographique et par le message féministe qu’il délivre, Jusqu’au bout des rêves nous rappelle un autre film suisse de qualité, celui qui a été consacré en 2013 à Iris et Peter von Roten, Amours ennemies, par le réalisateur Werner Schweizer, sur la base du livre de Wilfried Meichtry. C’est à juste titre que ces deux productions ont été primées au Festival de Soleure.
Jusqu’au bout des rêves, film de Wilfried Meichtry, 2017" Laloup Laurent le vendredi 23 mars 2018 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |