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L'odyssée d'un Français Libre, André Bounias, alias Clément André Bounias est capturé le 1er juin 40 à Dieppe.Il est transporté en Prusse orientale dans un stalag, puis dans un Arbeit Kommando. Sa qualité d'électricien lui vaut probablement de travailler dans un atelier et participer ainsi à l'effort de guerre allemand,situation qu'il ne supporte pas et qui l'incite à s'évader. Il fausse compagnie à ses gardes en compagnie de deux camarades, Jean Rumin et René Sifre (tous deux morts pour la France), le 14 novembre 1940. Le camp ne se trouve qu'à deux ou trois nuits de marche d'une frontière, dont ils découvrent que c'est celle de la Russie à la suite du démantèlement de la Pologne et de l'annexion de la Lituanie par les Russes. Il est arrêté et incarcéré au Kremlin dans un cachot de la sinistre Loubianka, où il passera 28 jours dans un réduit d'un mètre carré, sans pouvoir se coucher. Il est transféré dans un camp, toujours près de Moscou puis à Mitchourine où se trouvent également Pierre Billotte, Alain de Boissieu, Jean Louis Crémieux.
Quelques jours après l'invasion de la Russie par les Allemands,l'attitude des Russes à leur égard commence à changer. La libération est proche (lire ici le livre de Jean-Louis Crémieux Brilhac cité plus bas) Un navire britannique vient chercher les évadés à Arkangelsk dans le nord de la Russie sur la mer Blanche le 2 septembre 1941. Il débarque à Glasgow avec 185 autres évadés, une semaine plus tard et arrive en train à Londres, le 10 septembre 1941, signe son engagement dans la France Libre, prend le nom de Clément (qui est le patronyme de sa belle-mère) et rejoint le camp de Camberley où les maigres troupes de la France Libre se préparent aux combats à venir. Il quitte l'Angleterre le 11 février 1942, à partir de Liverpool et arrive à lagos (Nigéria britannique) deux mois plus tard, puis on le retrouve à Brazzaville (nouvelle capitale de la France libre depuis que l'Afrique Equatoriale Française s'est ralliée à de Gaule). Quelques semaines plus tard,il atteint sa destination, Fort Lamy au Tchad, qui n'est autre que le point de départ des colonnes Leclerc vers la Méditerranée, distante de 3.000 kilomètres.
Il est nommé brigadier le 10 septembre 1942. Fin décembre les colonnes passent à l'attaque pour conquérir le Fezzan et chasser les Italiens de la Sahariana de Lybie. Le 25 janvier 1942, les colonnes Leclerc arrivent à Tripoli et établissent la jonction avec la 8°armée britannique de Montgoméry. Les combats qui suivent ont pour théâtre la Tunisie, où les Allemands se sont renforcés et retranchés à la suite de leur défaite par Montgoméry à El Alamein. Leclerc se bat avec des Britanniques, des Néozélandais et des troupes coloniales d'Inde. Les très durs combats de Ksar Rhilane valent à Clément de recevoir une citation et d'obtenir le grade de brigadier-chef. Il est blessé quelques jours avant la capitulation des 250.000 Allemands de von Armin Sa blessure aux deux avant-bras nécessite une hospitalisation de deux mois à l'hôpital de Kairouan. A sa sortie et après une permission de convalescence, qu'il va passer à Tunis ou Alger, il rejoint ses camarades à Sebratha en Lybie. Les colonnes de la France Libre ont été mises en quarantaine en Lybie pour des raisons purement politiques. Le général de Gaulle n'est pas en odeur de sainteté ni auprès des Américains ni des Français giraudistes, à savoir l'armée de Vichy. Clément ne passera qu'un mois dans la fournaise de Sébratha, parmi les mouches et les scorpions.
Le général de Gaulle prépare, en accord avec le général Eisenhower, une division blindée qui participera à la libération de la France à partir des plages du débarquement. Début septembre 1943, Clément est dirigé vers Témara au Maroc où Leclerc arme sa division avec du matériel américain et recrute de jeunes patriotes qui se sont enfuis de France, qui ont traversé les Pyrénées pour rejoindre de Gaulle. La 2°DB, enfin prête, embarque pour l'Angleterre fin avril 1944. Elle va se préparer aux combats pendant deux mois dans le East Riding en Angleterre. C'est là qu'André Clément fait la connaissance d'une famille anglaise chez qui il loge en compagnie de son ami Autard, les Wrights à Louth. Cette famille va se lier d'amitié avec ses jeunes Français Libres qui se battent à leurs côtés.
Fin juillet 1944, la 2° DB rejoint les ports de Southampton et de Plymouth; elle débarque à Sainte Mère les deux Eglises, le 1er août 1944. Elle est intégrée à la troisième armée du général Patton. Clément arrive à Paris au sein du GT Langlade, le 26 août et, de ce fait, ne participe pas aux combats de la libération de Paris. Leclerc fonce sur les Vosges. André Clément livre une très dure bataille à Dompaire, à l'issue de laquelle il reçoit la Croix de Guerre avec palmes, et est nommé maréchal des Logis le 1/10 1944. Il passe le Dabo avec la division et surprend les Allemands à Strasbourg.
La 2°DB est placée en zone intérieure dans le Poitou pendant qu'une partie se bat pour déloger les Allemands de Royan. La France est enfin totalement libérée. Le général Leclerc piaffe d'impatience.Il arrache au général Juin l'ordre de foncer vers l'Allemagne, direction la Bavière et mieux Bertechsgaden. La division roule jour et nuit pendant 5 jours dans l'espoir d'arriver avant les Américains. Elle touche au but le 5 mai, trois jours avant la capitulation des Allemands. les Français montent au Berghof, dont les Américains semblent ignorer l'existence, résidence d'été d'Hitler et haut lieu du nazisme. Le site a été copieusement bombardé par la Royal Air Force et n'est qu'un champ de ruines. Les Français hissent un immense voile tricolore, que les Américains, furieux, décrochent. Leclerc est sommé de se retirer et ne peut que s'exécuter.
Les Français Libres emportent des souvenirs et des trophées. Clément déniche une machine à écrire et une collection de timbres. Ce sera son butin de guerre.C'est sur cette machine à écrire que sa fille Eliane, quinze ans plus tard, fera ses premières gammes de secrétaire-dactylo. Sa petite fille semble avoir égaré la collection de timbres. Peut-être appartenait-elle à Eva Braun, la maîtresse d'Hitler. Il est nommé maréchal des logis-chef le 1er juin 1945.
La guerre est finie. Clément redevient Bounias et rentre à Berre l'Etang dans les Bouches du Rhône. Il y retrouve sa femme Odette qu'il n'a pas vue depuis plus de cinq ans et fait la connaissance de sa fille Eliane, née le 12 septembre 1940, alors qu'il se trouvait dans son camp de prisonniers de Poméranie orientale. Paul Desorgues le mercredi 15 mai 2019 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |