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Michel Bernanos - son Livre ouvert ! Trois raisons de relire... Michel Bernanos
Hubert Prolongeau :
www.telerama.fr
"Le fils de Georges Bernanos, suicidé à 41 ans en 1964, a laissé derrière lui quelques textes brûlants. Aujourd'hui republié par les éditions de L'Arbre Vengeur, le plus connu d'entre eux s'intitule “La Montagne morte de la vie”.
1. Parce qu'il est dur parfois de se faire un prénom...
Michel Bernanos était le quatrième fils de Georges Bernanos. S'il naquit en 1923 à Fressin (Pas-de-Calais), il vécut à partir de 1938 l'exil de la famille au Brésil, où l'écrivain avait choisi de fuir loin de la lâcheté des politiques francais face à la guerre qui menacait. Là, Bernanos père s'essaiera à devenir fermier sur le domaine de La croix des âmes, tout en écrivant force appels à la résistance. Michel, lui, rejoindra en 1942 les Forces francaises libres, après avoir essuyé un premier refus car trop jeune.
Puis, il reviendra au Brésil pour se lancer dans la culture d'hévéas. Poète et romancier, Michel Bernanos il prendra aussi comme noms de plume deux pseudonymes, Michel Tabert et Michel Drowin, comme pour mieux se démarquer de l'héritage paternel. Le Brésil lui inspirera son chef d'œuvre, le cycle de La Montagne morte de la vie, qu'ouvre le roman éponyme. Michel Bernanos se suicidera en 1964, à 41 ans, dans la forêt de Fontainebleau. L'essentiel de son œuvre, quelques romans et des nouvelles, paraîtra à titre posthume.
2. Parce que ce style halluciné est rare dans la littérature française
La Montagne morte de la vie, qui fut publié pour la première fois par Jean-Jacques Pauvert en 1967, est un de ces textes que les amateurs de fantastique se passent presque sous le manteau, comme un trésor précieux qu'il ne faudrait pas abimer. Œuvre culte s'il en fut, c'est à dire à la fois vénérée par quelques fervents et méconnue du grand public, ce court poème en prose est un récit étrange et fantasmagorique qui évoque à la fois Edgar Poe, Lovecraft et Arthur Machen.
Tout commence avec l'embarquement d'un jeune homme de 18 ans sur un bateau. Quand le navire fait naufrage, après une traversée pendant laquelle il a été martyrisé par ses camarades, le garçon se retrouve sur une île mystérieuse avec le cuisinier du bord, Toine, le seul à l'avoir traité avec bienveillance. Il leur faut traverser l'île pour espérer survivre. Pour ce faire, ils doivent escalader une montagne, dans un monde où les visages humains ne sont plus que gravés sur des statues. Mais qu'est cette montagne, devant laquelle les arbres se couchent ? Est-elle inanimée ou vivante ? Epreuves, rencontre avec eux-mêmes, désespoir, déceptions, quête de certitudes attendent nos deux héros...
3. Parce que plusieurs lectures n'épuisent pas le mystère de ce texte
L'envoûtement créé par la lecture de La Montagne morte de la vie est sans fin, démultiplié par les multiples interprétations possibles du texte. S'agit-il d'une œuvre fantastique ou de science-fiction, comme peut le faire croire une allusion à une autre planète ? Est-ce un apologue chrétien ? La noyade du héros, qui ouvre le roman, n'est-elle pas aussi un baptême ? Nos deux héros, qui ont vécu des scènes d'anthropophagie, se trouvent-ils en réalité en enfer ? Le désespoir qui en émane est-il une des clés du suicide de son auteur ? Mais n'est-il pas contredit en permanence par l'extraordinaire énergie de ses deux héros ? La clé réside-t-elle dans cette phrase : « J'appris par la suite à mes dépens que l'homme est vulnérable devant la souffrance, comme devant la joie » ?
On n'en finirait pas de retourner les questions que pose le livre – son titre même oppose, en une même formule, ces deux ultimes opposés que sont la mort et la vie. Ceux qui l'ont aimé pourront plonger plus avant dans l'univers de Michel Bernanos en lisant les autres œuvres du cycle : Ils ont déchiré Son image, qui figure à la fin du présent volume, puis Le Murmure des Dieux et L’Envers de l’éperon, bientôt réédités par la même maison.
A lire
La Montagne morte de la vie, suivi de Ils ont déchiré Son image, de Michel Bernanos, postface de Dominique de Roux, éditions de L'Arbre vengeur, 220 p., 17 €." Laurent Laloup le jeudi 02 mars 2017 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |