Contributions - Les Français Libres

Les Français Libres, de juin 1940 à juillet 1943

 
Accueil
 
Presentation
Liste des Français Libres
Ajout d'un Français libre
Liste du SHD
Liste Chaline
Liste Ecochard
 
Contact
 
 

Une contribution parmi 67385
 


extrait de : www.gers.pref.gouv.fr 

EXTRAITS DU TEMOIGNAGE DE MONSIEUR ROGER DEMAN

DOMICILIE A MIELAN (GERS)

" Je n'avais pas 19 ans, lorsque le 20 avril 1939, j'ai "piqué une tête" dans la Légion Etrangère.

Au bout de trois mois d'une instruction intensive, les légionnaires étaient dirigés vers un stage de spécialité. De Saïda, je fus dirigé sur Bel-Abbès pour un stage de transmissions. Mais à peine arrivé, des rumeurs de guerre firent que je fus immédiatement désigné comme volontaire pour un corps expéditionnaire destiné à la Finlande. Nous avons alors été dirigés sur Tlemcen où nous avons monté les "guitounes" dans le stade. Quelque temps après, nous avons logé en plein centre de la ville, au "Méchouar", une vraie caserne.

Affectation de casernement, constitution des compagnies, perception d'effets neufs et enfin, grande revue par le commandant désigné. Il s'agissait du Lieutenant-Colonel MAGRIN-VERNERET, plus connu aujourd'hui sous le nom de MONCLAR.

Le 2 mars 1940, le bataillon tout entier a embarqué à bord de deux croiseurs , le "Jean de Vienne" et la "Marseillaise". La traversée n'a duré qu'une nuit, mais elle ne fut pas de tout repos. Les hommes étaient dans des hamacs, d'autres en dessous sur de petits matelas disposés sur le sol. La mer était mauvaise, le bateau était rapide et des paquets de mer passaient sur le bastingage. Heureusement, nous sommes arrivés à Marseille au petit matin.

"Heureusement" n'est pas le mot qui convient, puisque c'était pour faire connaissance avec les wagons "Hommes 40 - Chevaux en long 8". Nous y avons grimpé, munis de boîtes de singe et de quelques biscuits qui avaient un curieux goût de savon.

Il ne nous a pas fallu moins de 36 heures pour atteindre notre destination qui était Millau, dans l'Aveyron.

Plus tard, nous avons encore une fois déménagé et retrouvé nos wagons à bestiaux pour un voyage long et pénible qui devait nous amener à Belley, près de la frontière Suisse. Quarante-huit heures suffirent à peine à ce tortillard pour nous mener à destination.

Après ce séjour à Bellay, nous avons repris nos wagons à bestiaux à destination de Brest cette fois. Les voyages forment la jeunesse. La Finlande ayant signé l'armistice, notre destination était devenue la Norvège. Nous allions couper cette fameuse "route du fer", si chère à Paul REYNAUD. Il nous a fallu encore plus de quarante-huit heures pour atteindre Brest, dans les conditions d'inconfort habituel.

Nous avons été logés dans une caserne de Lambezellec. C'est là que nous avons perçu notre équipement polaire. Brodequins de ski, chaussette de laine blanche que nous roulions sur la tige de la chaussure pour la tenue de sortie, guêtres en toile, pantalon de ski, vareuse de drap, grande cape kaki, béret de même couleur, cagoule caoutchoutée grise d'un côté et blanche de l'autre, canadienne en peau de mouton, sac Bergame, raquettes à neige, musette de combat et enfin, cinq paires de gants ou moufles en laine, en peau de mouton imperméable. Du beau matériel tout neuf.

Enfin, le 23 avril 1940, nous embarquons sur le "Providence", un ignoble rafiot qui valait nos wagons à bestiaux. Nous sommes débarqués, à Glasgow et avons été transférés sur le "Monarch of Bermuda", un très beau paquebot qui, à l'origine, faisait les Bermudes. Bien qu'entrés en guerre en même temps que nous, les Anglais l'avaient savamment aménagé en transport de troupes. Tout le monde y était en cabine, contrairement aux bateaux français où la troupe était toujours parquée dans les cales, sans aucun confort et manquant même du minimum d'hygiène.

Nous avons levé l'ancre et appareillé vers le nord. Il y avait à bord, deux bataillons de légion et leurs services, deux bataillons de chasseurs alpins, ainsi que deux bataillons de Polonais. Ces derniers étaient équipés comme nous, ils n'étaient différenciés que par un aigle peint en gris clair sur le casque. Ils parlaient français avec un fort accent chtimi. En effet, ils avaient tous été recutés dans les mines du Nord où la plupart d'entre-eux étaient nés.

Notre traversée fut sans histoire. Une chose nous a paru curieuse. C'était la durée du jour qui augmentait de deux heures par jour à mesure que nous nous approchions du pôle. Le 7 mai, nous débarquons à Harstad où des Anglais nous présentèrent un thé chaud sur le quai.

Notre première opération sérieuse fut le débarquement à Narvik qui eut lieu, je crois, le 13 mai. Nous avons embarqué à bord de bateaux de guerre britanniques. Pour mon compte, j'étais à bord du "Warspitt". Arrivée en rade Narwik, la flotte commença un bombardement en règle, pendant qu'à l'intérieur, nous déjeunions tranquillement avec thé, pain, beurre et confiture. Chaque bordée nous donnait l'impression que les tôles allaient se dessouder, tant le bruit était infernal.

Nous sommes decendus dans les péniches de débarquement. Notre équipement avait été réduit au minimum. Armement, munitions, une musette contenant gants, cagoule et deux jours de vivres. Le restant devait suivre. Nous n'avons jamais plus entendu parler de tout cela!

Nous étions aussi munis de lunettes solaires et incassables. Certains qui avaient négligé de les porter, sont revenus avec les yeux brûlés par la réverbération du soleil dans la neige.

C'était pour moi le baptême du feu. Sans nos raquettes à neige, nos déplacements étaient laborieux, nous devions marcher avec de la neige jusqu'aux genoux. Sur les descentes, nous avons trouvé plus astucieux et plus rapide de nous asseoir et de nous laisser glisser en levant la jambe de temps en temps pour éjecter la neige qui s'était amassée.

Le soir, quand nous devions prendre position pour la nuit afin de prendre un peu de repos, nous n'avions ni toile de tente, ni couverture pour nous abriter du froid. Heureusement que les Allemands en battant en retraite, nous avaient laissé leur matériel. Nous trouvions des trous creusés et garnis et nous les utilisions. Quand nous parlons de la nuit, il faut entendre l'heure, car en réalité, il faisait toujours jour. Nous nous nourrissions de singe et de biscuits.

Des bombardiers en piqué venaient parfois nous lâcher des bombes à air comprimé. Nous avons trouvé que le métal de ces bombes, dont la matière ressemblait à du duraluminium, mis dans le feu et chauffé à blanc, dégageait une chaleur intense et continuait à brûler longtemps. Nous avons utilisé cette trouvaille pour faire chauffer nos boîtes de singe.

Il y avait bien quelques avions anglais, mais il semblaient jouer à cache-cache avec les Allemands car nous ne les avons jamais vu ensemble. Ils avaient la maîtrise de la mer mais pas celle de l'air. Nous avons par la suite procédé à deux autres attaques par débarquement. L'une à Bjervik, l'autre à Meby.

Le plus curieux, au début, c'était ce jour ou plutôt ce crépuscule perpétuel. Car il ne faisait ni jamais tout à fait jour, ni tout à fait nuit. Nous avons appris que lors d'un raid aérien une bombe était tombée sur le P.C. de notre bataillon et que le commandant GUENINCHAUT n'avait pas résisté au choc, car il se trouvait juste en dessous. Un jour, sans savoir pourquoi, nous avons reçu l'ordre de plier bagages et de nous diriger sur la côte. Nous devions réembarquer précipitamment. Nous avons trouvé des stocks de l'intendance que nous devions incendier. Il y avait des caisses de bougies qui prouvaient que notre séjour avait été prévu pour plus longtemps, des vivres et aussi des tonneaux de rhum.

L'embarquement n'était pas une petite affaire. Cela se faisait d'abord sur des barques de pêche en raison de leur faible tirant d'eau. Ensuite, nous montions à bord de torpilleurs ou de contre-torpilleurs qui nous emmenaient plus au large où nous attendait un grand tranport de troupes, le "Georgic". Nous étions le 4 juin 1940.

Nous avon débarqué à Brest le 16 juin. Là, nous avons trouvé une ambiance de défaite. Avec la France, nous avons retrouvé nos bons vieux wagons à bestiaux qui nous ont conduit dans les environs de Rennes. Nous avons pris position dans les villages, barrant les routes avec des charrettes renversées ou des tas de bois et nous installant derrière ces barricades, avec nos fusils-mitrailleurs et nos baïonnettes, pour arrêter les chars. C'était ridicule. Les mêmes armes devaient aussi être utilisées contre l'aviation. Le 17 juin, nous avons repris le train pour nous diriger vers l'intérieur, mais au bout de quelques kilomètres, nous avons fait demi-tour et nous nous sommes retrouvés à Brest. Le long de la voie ferrée, nous croisions des marins, des soldats, à pied avec leur sac sur l'épaule.

Sous les bombardements allemands, nous cherchons un bateau pour embarquer. Nous avons fini par caser notre bataillon sur un pétrolier qui était loin d'avoir été conçu à cet effet. Heureusement que nous n'allions pas loin.

Nous étions le 18 juin 1940. Nous avons vogué sur une mer aussi fréquentée que les Champs-Elysées, un jour de 14 juillet, pour enfin nous retrouver à Plymouth. Les Anglais nous ont reçu d'une façon on ne peut plus correcte. Des wagons (de voyageurs) nous ont véhiculé jusqu'à Trenton Park. Nous nous sommes installés dans le grand parc d'une propriété appartenant, je crois, au Duc de Kent. Il n'y avait absolument rien. Nous avons commencé par installer des tuyauteries d'eau avec des robinets le long des allées. Puis nous avons monté de grandes tentes pour y installer des bureaux.

En me promenant dans la rue, des gens que je ne connaissais pas couraient vers moi pour me remettre un paquet de cigarettes et s'éclipsaient sans même attendre mon merci. D'autres me tendaient leur carte de visite et m'invitaient à déjeuner quand je voudrai. J'ai collectionné ces cartes, elles me furent très utiles pour me nourrir par la suite. Un dimanche, j'ai voulu aller au concert. J'ai fait la queue au guichet où l'on m'a remis gratuitement un billet d'entrée que quelqu'un avait payé pour moi. Il me fut impossible de savoir qui. Si j'entrais dans une taverne pour y boire une pinte de bière, j'étais assaillis de toutes parts. C'était à qui m'offrirait un verre.

J'avais entendu dire qu"un Général français allait former une "légion française" en Angleterre. Je me présentais donc dans les postes de police où l'on me répondait invariablement que rien n'était encore fait. Enfin, on me signala que je pouvais me diriger vers un cinéma désaffecté "l'Empire Hall" situé dans le quartier de "Charing Cross".

Je m'y présentais donc et constatais que l'on y formait la première section de la première compagnie. Je fus incorporé sous le numéro matricule 43. Connaisant les moeurs françaises, j'ai été étonné que l'on ne commence pas à immatriculer à 10 001 ou mieux 100 001. Nous étions vraiment peu nombreux, venant de toutes les armes, avec des tenues disparates. Nous sommes restés quelques temps dans ce cinéma où la Reine est venue nous rendre visite et nous distribuer quelques paquets de cigarettes.

J'ai rencontré un jour, dans une taverne, un soldat français qui me dit être originaire de la commune où résidaient mes parents. Il m'affirma qu'il les connaissait bien, qu'il ne resterait pas en Angleterre et qu'il avait demandé à être rapatrié. Je lui demandais alors de leur donner de mes nouvelles et de leur dire que je continuais la lutte.

Notre séjour à "l'Empire Hall" prenait fin; nous avons été transférés à Delville-Camp, près d'Aldershott. Nous formions la 11ème compagnie franche dans laquelle nous nous trouvions une dizaine de Légionnaires en situation irrégulière. Notre compagnie était plus communément appelée compagnie DURIFF, du nom de son Capitaine, un brave réserviste qui avait eu un bras "amoché" lors du précédent conflit.

Le Général DE GAULLE (nous connaisions enfin son nom) vint nous passer en revue. Le Colonel MAGRIN-VERNERET, qui avait maintenant pris le nom de MONCLAR, était chargé de la présentation et accompagnait le Général lors de la revue.

Le 29 août 1940, nous avons été amenés à signer notre acte d'engagement définitif: " A servir avec honneur et fidélité dans les Forces françaises Libres pour la durée de la guerre actuellement en cours".

Le 1er septembre, nous prenons le train pour Liverpool où nous embarquons sur deux bateaux de commerce hollandais, le "Westerland" et le "Penneland", pour une destination inconnue. J'étais sur le Westerland avec le Genéral DE GAULLE et la Légion.

On ne peut pas dire que cette traversée fut sans histoires. Peu après le départ, nous avons su que nous nous dirigions vers l'Afrique noire. Pour éviter les sous-marins, nous avons fait un grand détour en nous dirigeant vers les côtes du Canada, pour obliquer ensuite vers le sud-est. Nous étions escortés et nous voyions parfois les torpilleurs s'éloigner à toute allure, lancer des grenades sous-marines et nous rejoindre ensuite.

Nous avons fait une escale à Freetown en Sierra Leone. Nous avons levé l'ancre et sommes remontés vers le nord, vers Dakar, afin de persuader le Sénégal de se joindre à nous. Nous avions avec nous des bâtiments de guerre anglais et deux avisos français, le "Commandant Dubosc" et le "Commandant Domine". Nous pensions pouvoir débarquer à Rufisque. Nous ne savons pas bien exactement ce qui s'est passé, mais le "Richelieu" bien qu'immobilisé dans le port pouvait encore tirer. C'est ce qu'il fit sur la vedette des parlementaires gaullistes, bien qu'elle fut munie de drapeau blanc. C'est à ce moment que fut blessé Thierry D'ARGENLIEU. Cela déclencha un duel d'artillerie. Des bateaux anglais furent touchés et des marins français tués. DE GAULLE ne voulant pas que des Français se battent entre-eux, il fut décidé de "laisser tomber".

Nous avons regagné la haute mer où nous avons fait le cercle pour immerger les morts au sifflet.

Nous avons quand même appris une bonne nouvelle; l'Afrique Equatoriale s'était ralliée, le Congo, l'Oubangui-Chari, le Tchad et le Cameroun. Nous avions enfin un territoire français pour y poser nos pieds. Il n'était plus question de la France, puisque nous y étions condamnés à mort, pour être passés à l'étranger avec armes et bagages en temps de guerre.

Les deux bateaux hollandais, affrétés par les Anglais pour transporter des troupes françaises n'étaient pas aussi confortables que ceux qui nous avaient menés et ramenés de Norvège. Il n'y avait en cabines que les officiers et les sous-officiers et la compagnie DURIFF. A cette époque, toute "l'armée gaulliste" tenait sur ces bateaux, il n'y avait pas de quoi conquérir le monde.

La vie y était organisée "à la française" sous supervision anglaise. Les repas seuls, laissaient à désirer, non pas la qualité ou la quantité, mais par leur style et leur monotonie. Nous sommes restés quarante-trois jours à bord, pendant lesquels on nous a servi régulièrement du fromage de Hollande et de la confiture d'oranges amères importée de Palestine.

Le "Penneland" nous lâcha pour accoster à Libreville au Gabon, mais nous rejoignit aussitôt, le territoire ne désirant pas se rallier.

Nous arrivons enfin à Pointe-Noire, le 14 octobre 1940 après quarante-trois jours de traversée. Nous débarquons et nous sommes accueillis assez silencieusement.

Il faut dire que les civils européens, à l'époque n'étaient pas nombreux. De plus, ils ne se sentaient pas tellement concernés par cette guerre qui se déroulait si loin d'eux. C'étaient les militaires qui avaient organisé le ralliement. Plus tard, quand nous en avons mobilisé quelques-uns, cela ne leur a pas fait plaisir de quitter leur situation.

A Pointe-Noire, seule ma compagnie restait sur le territoire. Le soir-même, nous prenions le train pour Brazzaville, située à 500 kilomètres à l'intérieur. La Ligne Congo-Océan, comme on l'appelait, était un chef-d'oeuvre de la technique. Dans la brousse, la forêt, la montagne, des tunnels ont été creusés dans le Mayombe, des viaducs et des ponts ont été érigés. Le tout sous un climat des plus insalubre. Nous n'avons pas pu voir grand-chose des paysages magnifiques, car nous avons voyagé de nuit, très confortablement pour arriver à Brazzaville, le lendemain matin. L'administration n'avait pas dû être informée à temps de notre arrivée à Pointe-Noire, car elle n'avait pas eu le temps de se procurer des wagons à bestiaux.

Nous avons été cantonnés dans l'école Edouard-Renard. Là, nous avons appris la petite histoire du ralliement. Ce sont quelques officiers subalternes et des sous-officiers qui ont fait ce petit coup d'état. Le Général HUSSON n'était pas d'accord. Il fut carrément, roulé dans une couverture, ficelé et envoyé dans une vedette à Léopoldville.

Pour ceux qui ne sont pas au courant, je précise que le fleuve Congo, à cet endroit, forme un renflement de cinq kilomètres de large qu'on appelle le Pool et qui constitue la frontière entre les Congos français et belge. D'un côté se trouve Brazzaville, de l'autre Léopoldville, plus communément appelées Brazza et Léo. On peut se rendre d'une ville à l'autre à l'aide d'une vedette à moteur en quinze ou vingt minutes. Nous ne sommes guère restés qu'une quinzaine de jours dans cette école. Notre compagnie fut dissoute et nous avons formé les cadres de l'embryon d'armée coloniale qui allait plus tard libérer la France.

Pour mon compte, je fus directement promu Caporal-Chef et affecté sur place au bataillon du Pool (B.T.P.) avec quelques-uns de mes camarades. D'autres furent affectés au bataillon de point d'appui de Pointe-Noire (B.P.A.P.N.).

J'ai été nommé Sergent, le 16 juin 1941 avec deux de mes camarades COTTERET de Saint-Malo et LEVÊQUE de l'Ile de Batz. Ce dernier nous a fait bien rire quand il nous a raconté comment, de son île, il avait réussi à gagner l'Angleterre dans une petite barque de pêche. Ils étaient munis d'une boussole dont le verre s'était brisé. Plusieurs fois, ils ont fait tomber l'aiguille et ils devaient écoper l'eau à l'aide d'une casserole pour la retrouver dans cette coquille de noix chahutée par les vagues.

Les nouveaux Sergents n'ont pas fait de vieux os à Brazza, car nous avons été désignés tous les trois pour être chefs de groupes d'une section franche qui serait commandée par l'Adjudant-Chef SUSINI ayant comme adjoint le Sergent-Chef LATOUR. Le premier, comme son nom l'indique, était corse. Il avait 18 ans de service et allait prendre sa retraite proportionnelle quand la guerre est arrivée.

Avec cette section, nous avons quitté Brazza, le 22 juin 1941, par le train à destination de Pointe-Noire où nous nous sommes joints à une autre section constituée dans cette ville et avons embarqué pour une destination encore inconnue. Nous avons fait une escale à Libreville pour embarquer une troisième section avant de débarquer à Douala où nous avons trouvé une quatrième section.

Que venions-nous faire au Cameroun? Nous n'avons pas tardé à l'apprendre. Au large de l'embouchure du Wouri, se trouve l'île de Fernando-Po, dépendant de la Guinée espagnole. Elle était soupçonnée de servir de base de ravitaillement aux sous-marins allemands. De plus, on parlait du libre passage éventuel des troupes allemandes en Espagne, pour leur permettre d'atteindre Gibraltar. Dans cette éventualité, nous aurions attaqué l'île et peut-être même la Guinée espagnole.

Nous allions souvent en manoeuvre la nuit en figurant une marche d'approche vers un ennemi supposé tenir telle position. Pour couper la route, il y avait toujours un marigot (ruisseau) avec un pont de bois. Au moment de passer ce pont, le Commandant décrétait qu'il était bombardé, ce qui voulait dire que nous devions nous en écarter et passer dans l'eau. Nous étions "bouffés" par les moustiques et nous rentrions au petit matin harassés".

Après diverses péripéties, Monsieur DEMAN est affecté à la 2ème Brigade Française Libre.

" Notre bataillon faisait partie de la 2ème Brigade de la 1ère Division Fançaise Libre qui était elle-même rattachée à la 8ème Armée Britannique. A ce titre, nous avons été dotés de matériels anglais, en particulier des camions Bedford et Ford, peints aux couleurs du désert, dont certains étaient à double pont. Egalement, quelques G.M.C. qui comportaient un treuil. Il s'agissait de véhicules organiques destinés à transporter uniquement notre matériel. Pour la troupe, nous disposions d'une compagnie auto par brigade.

Un jour, nous avons fait mouvement vers El Alamein où nous avons pris position aux abords des champs de mines. Puis, le soir du 1er novembre 1942, cela se déclencha. Une canonnade inimaginable dont les coups semblaient un véritable roulement de tambour. Dans la nuit, les lueurs de départs s'étendaient sur une ligne dont on ne voyait pas le bout. Un véritable enfer pour nous, à plus forte raison pour les destinataires. Cela dura deux nuits et un jour sans arrêt.

A l'issue de ce pilonnage, nous avons attaqué. L'ennemi conscient de l'attaque qui se déroulait et des moyens considérables mis en oeuvre, se replia. Ce repli devait être de plus de 700 kilomètres. Il devint une véritable retraite, car MONTGOMERY qui dirigeait cette opération ne leur laissa pas le temps d'organiser une nouvelle ligne de défense. La poursuite s'engagea. Les chars, les véhicules blindés, l'artillerie, l'aviation, l'infanterie portée, tout se lança à la poursuite des Allemands et aussi des Italiens, car paraît-il, la Division"Ariette" était dans le secteur. Un point était particulièrement difficile, la passe d'Halfaya, juste à la frontière entre l'Egypte et la Libye.

Sur cette route côtière , Halfaya se dresse en haut d'une falaise abrupte qui aurait pu constituer une excellente position pour l'ennemi, si nous l'avions laissé s'y installer. D'autre part, pour y accéder, la route a un très fort pourcentage de pente et comporte des virages nombreux et très courts. Les camions ne peuvent l'aborder qu'à une vitesse très réduite. Il fallait bombarder cette passe qui était un point de passage obligé pour y détruire le plus possible de matériel et ralentir, sinon bloquer, le reste de la colonne ROMMEL.

Nous n'avons pas continué la poursuite car, après la première phase de l'attaque, nous avons été dépassés par d'autres éléments et mis en réserve pour quelques jours à El Alamein. Cette "ville" ne comportait qu'une gare, un château d'eau et un tas de ferraille.

Il n'en est pas de même pour Bir-Hakeim. Bien que je n'eusse pas participé à ce fait d'armes, je me devais d'en "toucher un mot". "Bir", en arabe signifie "puits". C'était bien un simple puits, ce qui ne manque pas de valeur dans le désert et mérite d'être signalé. Les F.F.L. s'y sont installés et y ont créé une position qu'ils fortifiaient chaque jour davantage. Au moment de l'avance foudroyante des troupes allemandes qui devaient les mener jusqu'aux portes d'Alexandrie, les Français avaient reçu l'ordre des autorités britanniques de "décrocher". Ils ne l'exécutèrent pas. Les Allemands ne pouvaient laisser derrière eux cet abcès qui risquait d'attaquer les convois de renforts ou de ravitaillement. Ils décidèrent d'en faire le siège. Je crois que cela a duré quatre jours, mais ce temps fut largement mis à profit par les Britanniques pour s'installer sur une ligne interdisant l'accès d'Alexandrie, leur permettant ainsi d'attendre des renforts en hommes et en matériels et de préparer la grande et décisive attaque qui était en cours d'exécution. Leur ordre n'avait pas été exécuté mais les Anglais ne pouvaient que nous en féliciter.

Revenons à El Alamein. Nous y sommes restés quelques jours au repos. Nous y avons même passé Noël 1942. Nous y avons organisé une petite fête pour distribuer les cadeaux qui nous étaient offerts par les Français Libres d'Egypte (civils).

Un arbre de Noël fut réalisé avec les moyens du bord. Un poteau télégraphique constituait le tronc, les branches n'étaient que des fils de fer barbelés. L'infirmerie nous procura la neige en forme de coton hydrophile. La même matière constitua la barbe d'un grand Sara qui figura le père Noël. Cette petite fête nous a un peu égayé et j'en ai gardé des souvenirs sous forme de photos.

Nous avons enfin repris la route qui était devenue un véritable "tape-cul", défoncée par les bombes et les obus de toutes sortes, surtout jusqu'à Halfaya. Nous pouvions nous rendre compte, de visu, de l'étendue du désastre subi par les Allemands. Nous avons longé la côte, quittant l'Egypte pour entrer en Cyrénaïque, dont une large bande était verte et fertile, avec de jolies petites villes comme Derna et Tocra. Nous ne nous sommes arrêtés qu'à Tobrouk ou plutôt ce qui en restait car la ville était entièrement détruite, il n'en restait pas pierre sur pierre".

(C'est long mais c'est conservé ;) )
Laurent

Laurent laloup le samedi 17 février 2007

Contribution au livre ouvert de Roger Daniel Deman

Précédente / Suivante


Trouver d'autres contributions
 

Texte à rechercher

 

Vous pouvez à tout moment obtenir la rectification des données, vous concernant, inscrites dans cette base qui est déclarée sous le n° 1137942 auprès de la Commission Nationale Informatique et Liberté





contrib.php PHPisé et MySQLisé par Jacques Ghémard le 2 6 2024  Hébergé par Nuxit  Temps entre début et fin du script : 0.04 s  6 requêtes