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Les Hommes Partis De Rien - Cassin (René) " Quant à moi, je fis la connaissance de ceux des 70 Français du bord, qui n'étaient pas des réfugiés politiques, comme Hoden et les deux Gombault. Parmi les militaires, les uns se conformaient à des consignes antérieures à l'allocution de Pétain ou à l'appel de De Gaulle. Mais, au milieu des volontaires, je reconnus tout de suite le célèbre aviateur de Marnier, ancien combattant de l'armée républicaine espagnole, homme rude au dévouement illimité ; le lieutenant aviateur Bécourt-Foch, petit-fils du maréchal, garçon réservé mais ferme, qui savait ce qu'il devait à l'honneur de son nom et à la France. Le capitaine Durif, l'homme au bras cassé, était instituteur de la Ville de Paris ; l'adjudant de réserve Saphir, un ancien de la Légion étrangère, Israélite de Palestine, était volontaire pour la deuxième fois. Je me souviens également d'un homme plus âgé : Reichenbach, du groupe du Printemps, qui pilotait Georges Torrès, âgé de 18 ans, le fils du grand avocat. Dès notre premier entretien nous envoyâmes une délégation au commandant de l'Ettrick pour lui offrir de surveiller les coursives conduisant aux machines, afin de protéger la sécurité du bord contre tout attentat des « cinquièmes colonnes ». Offre accueillie avec reconnaissance.
Le 26 au matin, favorisé par le beau temps et l'absence de sous-marins, notre convoi parvint à la hauteur de la Bretagne et, peu d'heures après, en rade de Plymouth. Ce ne fut que le lendemain que nous pûmes prendre connaissance des grandes lignes de l'armistice datant déjà du 22.
L'adjudant Saphir lut à haute voix à un cercle impatient, un journal, puis une brochure éditée par la ville. Malgré certaines rigueurs comme celle de la clause coupant la France en deux, je fus frappé par l'habileté infernale d'Hitler, ménageant l'existence d'un gouvernement français et surtout prenant l'engagement solennel de ne jamais utiliser la flotte française. Quant au tracé de la zone d'occupation, il reproduisait d'une manière stupéfiante celui affiché au début d'octobre 1938, au lendemain de Munich, devant le 54, boulevard St-Michel et rue Soufflet. Il avait été recouvert aussitôt par des hitlérophiles inconnus, afin de ne pas donner d'avertissement à la population parisienne.
L'accueil de la population britannique aux passagers de notre convoi fut extrêmement cordial : on sentait à la fois chez les Anglais la conscience qu'ils n'avaient pas pris une part suffisante aux épreuves survenues en France, mais aussi la volonté de protéger les arrivants." Laurent Laloup le mardi 17 février 2009 Contribution au livre ouvert de Georges Henri Torrès alias Achard | |