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Édouard-Igor COZE Tassik
(Edouard Igor Alain COZE)
(Édouard-Igor COZE)
Né le 10 novembre 1923 - Sèvres, 92, Hauts-de-Seine, France
Décédé le 22 janvier 2021 - Paris, 75016, Paris, France, à l'âge de 97 ans
Banquier
Note
De son fils lors de ses obsèques :
« Le 17 avril 1941, le Commissaire de police de Bizerte fut informé que divers habitants de cette ville avaient trouvé dans leurs boîtes aux lettres des petits papillons de papier blanc portant l’inscription : « V signifie Victoire ! Ecrivez-le partout ! »
Deux jours après, d’autres papillons, de papier vert et de dimensions légèrement plus grandes, furent également diffusés de la même manière.
Ils portaient tous au recto et au verso le texte suivant : « Combattre avec de Gaulle vaut mieux que de collaborer avec Hitler ! » « Collaborer avec l’ennemi, c’est trahir ! » « Bizertins ! Fabriquez des tracts et écrivez V partout ! »
Après recherches, les jeunes Bertaut Jacques et Coze Edouard furent interrogés. Coze reconnut avoir imprimé et diffusé les papillons en question, mais il ajouta n’appartenir à aucune organisation politique. En conséquence, les susnommés sont accusés d’avoir diffusé des tracts d’inspiration étrangère. »
Edouard a alors 17 ans.
Edouard Igor Alain est né à Sèvres le 10 novembre 1923, il y a près d’un siècle.
Son père, également prénommé Edouard, fut directeur de la Compagnie du gaz de Beyrouth et sous-directeur des tramways libanais. Il épouse en premières noces, à Kiev en 1891, Sonia Dabija, une princesse russe, qui lui donne deux garçons, Paul et Marcel. Sonia étant décédée de la grippe espagnole, il se remarie avec Jeanne Savitzky, également russe, qui a eu un fils, Jean, d’un premier mariage.
En 1923, l’Europe se relève des décombres de la 1ère Guerre Mondiale et vit les Années Folles, connaissant une période de créativité sans égale. Pourtant, le danger rôde toujours... La veille de la naissance d’Edouard, un obscur agitateur autrichien nommé Adolf Hitler a été arrêté après une tentative de putsch menée dans une brasserie munichoise.
Edouard grandit auprès de sa mère entre leur appartement parisien de la rue Lalo et des vacances à Oléron ou dans l’Yonne. Lorsque la guerre éclate, en septembre 1939, Jeanne part s’installer à Bizerte en Tunisie avec ses deux fils, laissant son mari à Paris où il mourra, sans les avoir revus, en 1942.
Le 15 mai 1943, Edouard signe son engagement au sein des Forces Françaises Libres à Bizerte. Il est d’abord transféré à Beyrouth, puis en août en Angleterre où il rejoint la base navale de la Clyde.
En février 1944, Edouard embarque à bord de la frégate l’Escarmouche, un brevet d’asdic en poche. L’asdic est l’ancêtre du sonar, une technologie récemment développée par les Britanniques qui permet de déceler les mouvements sous-marins. Quelque part au large de la Sicile, le matelot Coze donne l’alerte ; la frégate vire imperceptiblement de bord et esquive la torpille allemande qui lui était destinée.
Le 6 juin 1944, il participe aux opérations du Débarquement de Normandie.
Il est démobilisé en octobre 1945 et passe enfin son baccalauréat à 22 ans.
Après un premier séjour aux Etats-Unis en 1946, Edouard et sa mère partent s’installer en Californie. Incarnant le rêve américain, il enchaîne les petits boulots : vendeur de hot dogs dans des stades de base ball, chauffeur de taxi, professeur de français, etc. Il poursuit ses études en parallèle, jusqu’à être embauché à la Chase Manhattan Bank à New York en 1955.
Son nouvel employeur le détache à sa succursale de Beyrouth en 1956, après l’avoir encouragé à adopter la nationalité américaine. Au sein de la banque, une jeune collègue libanaise entreprend de séduire le nouveau venu, un peu gauche et timide, qui semble beaucoup apprécier les sandwiches qu’elle lui confectionne. Ils se marient à l’église Saint-François à Hamra le 27 avril 1957 et ont un fils 18 mois plus tard. C’est en famille qu’Edouard poursuit à présent ses pérégrinations, au gré de ses affectations professionnelles : Marseille, Alger, Saïgon, Paris, Bruxelles, Casablanca, avant un retour à Beyrouth en 1970 pour boucler la boucle.
Les tentatives de coups d’état et les conflits se succèdent presque partout où nous allons. Avec ma mère, nous taquinons Edouard en le surnommant « CIA », ce qui pour nous n’est pas un compliment. Il est vrai qu’avec sa double nationalité française et américaine, son ascendance russe, et sa maîtrise de 5 langues, tout l’accuse !
Au Vietnam, où notre présence correspond au début de l’intervention américaine, Edouard donne une nouvelle preuve de son courage. Nous sommes à la plage Saint-Jacques, près de Saïgon, la mer est démontée. Un homme appelle à l’aide car deux de ses enfants sont pris dans les vagues et luttent pour leur survie. Seul au milieu des témoins interdits, Edouard se jette à l’eau et parvient à ramener l’un des deux garçons au rivage ; le second ne peut malheureusement pas être sauvé…
Au début des années 70, le Liban est la « Suisse du Moyen-Orient », sa neutralité et son rôle de carrefour sont censés le mettre à l’abri du danger.
Notre vie s’organise alors entre deux pôles situés de part et d’autre de la Méditerranée, Beyrouth et Marbella, que nous découvrons en 1967. Nous y retournons chaque été, généralement au retour d’un séjour aux Etats-Unis où mon père se rend pour rencontrer ses collègues de la Bank of America, puis de la Continental Bank of Illinois.
Edouard a fait découvrir à ma mère les plaisirs de la natation qu’ils pratiquent ensemble assidûment. Il évolue dans un style singulier, l’un de ses bras tendus vers l’avant, une habitude prise lorsqu’il chassait le mérou au large de la Tunisie.
Le début des événements au Liban le 13 avril 1975 sonne le glas des jours heureux. Mes parents restent à Beyrouth pendant toute la durée de la guerre et quittent définitivement le Liban pour Paris en 1983.
Après le décès de son épouse en 1993, Edouard se consacre à l’action humanitaire. Il rejoint l’association Secours de France et, au volant d’une fourgonnette, convoie à plusieurs reprises de la nourriture et des médicaments vers la Pologne, la Lituanie et la Lettonie. En 1996, il organise une mission au Liban, qui lui donne la joie de faire découvrir son pays d’adoption aux membres de l’association. Il est également membre fondateur de l’association Lornica, créée par sa nièce Cécile, pour venir en aide au Nicaragua après l’ouragan Mitch en 1998.
En novembre 1997, il se rend en pèlerinage à Medjugorje avec son beau-frère Loubnane. Il est profondément marqué par cette expérience mystique. Il y retourne en 2002 et en 2004.
Dans sa paroisse de Boulogne, il rencontre Armanda, elle aussi très investie dans l’humanitaire, qu’il fréquente pendant les vingt dernières années de sa vie et considère comme une sœur.
Jusqu’au tout dernier jour de 2020, Edouard a vécu dans son appartement de Boulogne où, jusqu’à l’âge de 95 ans, il a la chance de mener une existence autonome.
Trois semaines après avoir été admis à l’hôpital Sainte-Périne, il s’est éteint paisiblement le 22 janvier au matin. Il nous a quittés comme il le souhaitait lorsqu’il m’écrivait : « Sache que l’idée de terminer cette vie ne me chagrine nullement. Une mort idéale serait de se coucher le soir et ne plus se réveiller ».
Sa vie a été une leçon de courage, pendant la guerre et face à la maladie de ma mère. Mais aussi une leçon d’humanisme et de fraternité. »

Laurent Laloup le vendredi 22 septembre 2023 Contribution au livre ouvert de Edouard Igor Alain Coze | |