Contributions - Les Français Libres

Les Français Libres, de juin 1940 à juillet 1943

 
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"DEBARQUEMENTS ET LIBERATION 1944-2004

( Récit d’un FFL qui quitte Audierne le 19juin 1940)

IL y a 64 ans les évadés de l’Ar Zénith faisaient entrer Audierne dans la résistance.

Juin 40 ! Nous vivons des instants dramatiques.

Sur tous les fronts, nos armées reculent devant les blindés allemands. Paris est occupé, la Seine franchie. Ici nous attendons vainement le sursaut, le miracle qui nous sauvera de l’abîme. La guerre a même atteint notre petit port puisqu’un avion allemand nous a balancé 3 bombes qu’il a lâchées sur la Montagne sans faire heureusement de dégâts….

Et puis, voilà que le lundi soir 17 juin, une voix chevrotante, celle d’un homme, Philippe Pétain, en qui nous avions tous la plus grande confiance, nous annonce à la radio : « c’est le cœur serré que je vous dit aujourd'hui’hui qu’il faut cesser le combat, etc, etc…

Je me souviens, nous avons tous pleuré de rage et de tristesse devant notre poste de TSF. Et Jacques, mon frère aîné, a dit « On ne peut pas accepter ça. Il faut partir en Angleterre ».Dès le lendemain nous nous sommes rendus à Douarnenez mais en sommes revenus bredouilles : aucun bateau en partance. Nous nous sommes concertés avec nos copains collégiens ou lycéens. Tous sont d’accord : il faut s’évader et rejoindre les anglais.

Le soir, quand nous rentrons dîner, notre mère nous dit : « je viens d’écouter la B.B.C. il y a un général français à Londres qui veut rassembler une armée pour poursuivre la lutte ».
A 20 heures nous l’entendons nous-même quand on rediffuse son appel. Peu nous importe son nom, il existe, il faut le rejoindre. Et nous allons vite en avertir les camarades.

19 juin. C’est notre dernière chance, demain il sera peut être trop tard.
Et c’est alors que se produit le miracle attendu.
Parmi les troupes qui refluent sur Audierne, arrive un groupe de Chasseurs Alpins. Ils sont peu nombreux : 5 en tout 1 lieutenant et 4 chasseurs, mais, contrairement aux autres militaires, amorphes ou désespérés, ceux-ci agissent : ils veulent un bateau et le signifient à la gendarmerie et à l’inscription maritime. On leur désigne, à tout hasard, "l’Ar Zénith », le bateau qui assure les liaisons entre Sein et Audierne : patron Jean Menou, 52 ans, et 4 marins, tous Sénans.

Le lieutenant Dupont, le chef des chasseurs, les réquisitionnent pour le transport de l’ensemble des militaires et Menou ne peut qu’obtempérer. Il y a là 50 à 60 militaires, soldats ou marins. Bien vite la nouvelle se répand dans le port : l’ArZénith s’en va avec les militaires ; départ prévu en début d ‘après midi, dès que la marée le permettra.
Jacques fonce avertir les copains. Nous allons dire « au revoir » aux grands-parents, déjeunons « sur le pouce » et fonçons vers le bateau, à la cale du bateau de sauvetage.

D’autres jeunes sont déjà là, venus d’un peu partout : Meilars, Mahalon, Esquibien, Audierne,…avec chacun un petit baluchon et trois sous en poche. Sur le quai, beaucoup de spectateurs des tous âges, plus curieux que motivés.

Parmi eux Maman et mon jeu,e frère de 11ans, très dignes, ils ne pleurent pas.
Soudain le chef de gendarmerie arrive pour interdire aux civils d’embarquer, « par ordre du préfet ». Grande discussion avec le lieutenant qui défend notre position. Nous en profitons pour embarquer pendant qu’ils s’expliquent.

Dès que la marée le permet, l’Ar Zénith s’en va, à notre grand soulagement. Plus loin, avant la sortie du port il s’arrêtera pour prendre quelques retardataires arrivant en vélo sur la jetée. Et c’est enfin la sortie. Nous regardons s’éloigner le phare au bout du môle. Pas d’Allemands à l’horizon. Ouf, c’est réussi.

Environ deux heures plus tard nous sommes à Sein, où nous apprenons à la population, curieuse mais pas encore motivée, notre destination et l’existence à Londres de ce général qui parle sur la B.B.C. en appelant à le rejoindre.
Peu avant 19 h, nous nous présentons à l’embarquement. Le bateau est mouillé dans le port et c’est un canot qui assure le transfert. Mais ils refoulent tous les civils, ordre du préfet, relayé par le maire. Cette fois, impossible de monter en force. Certains y parviennent en s’affublant d’une capote et d’un casque. Mais pour nous pas question, l’équipage nous connaît trop bien. Nous voyons, avec désespoir l’Ar Zénith quitter l’Ile. Mais le désespoir ne dure pas longtemps. Nous allons demander secours à Pierre Salaün, le courtier de notre mère, qui, après s’être assuré téléphoniquement de son accord pour notre départ, réussit à persuader le patron de la « Velléda » (vedette-ravitailleur des phares et balises) de nous transporter jusqu’à Ouessant. « C’est bon, nous dit-il, allez dire à vos copains qu’on part dans une demi-heure. » Et c’est ainsi que, vers une heure du matin, nous nous sommes trouvés à Ouessant où, après de nouvelles et énormes difficultés, nous avons pu, toujours sous la direction de Jacques, forcer la main à la marine de guerre qui nous logea sur un de ses chalutiers, archi-bondé. Au loin, le ciel était rouge, le port de Brest brûlait alors que les avant-gardes allemandes y faisaient leur entrée.Nous avons quitté Ouessant, le 20 juin peu avant le jour, sur ce chalutier la « Monique-Andrée » et avons atteint Plymouth le 21 à l’aube et débarqué seulement le 23.

Telle est la relation, très écourtée, du départ des jeunes civils (ainsi d’ailleurs que les 5 chasseurs alpins) s’engagèrent dans la France Libre du Général de Gaulle à effet du 1er juillet, 5 d’entre eux devinrent officiers et tous combattirent ou se portèrent volontaires pour combattre sur terre ou sur mer et on compte parmi eux le plus jeune commandant en second de sous marin (21ans) : 4 sont morts au combat, plusieurs furent blessés, certains devant impotents.

En voici la liste :
D’Audierne : Henri Bourdon, Yves Bourdon(+), Edmond Coader, René Gonidou, Patrice Jouen, François Laurent, Alexis Le Gall, Jacques Le Gall, Jean Lozachmeur, Robert Mens, Jean Nédelec, Jean Priol (+), Pierre Sergent, Louis Tessier. D’Esquibien : Jean Ansquer, Stanislas Goudard, Clet Louarn, Marcel Riou. De Meilars : Marcel Ansquer, Paul Gloaguen, Jean Kerivel (+), Marcel Ligavan (+), Marcel Boudigou, Jules Le Signe, un réfugier venant du Nord et enfin Yvon Lapotaire, parisien, embarqué à sein.

Quelques 2 ans ½ après notre évasion, c’était en novembre 42 dans le désert d’Egypte, alors que notre combat d’El Alamein tournait à la déroute pour les soldats de Römmel, un de mes collègues sous officiers (celui-ci nous était arrivé du Brésil où il dirigeait une plantation d’agrumes) me dit : « J’ai une surprise pour toi et il me donna une petite photo, prise en vacances à la fin des années 30. Il y avait là mon port : Audierne, notre quai, ma maison et, devant eux cette floppée de langoustiers et de pinasses qui avait été notre cadre de vie et notre terrain de jeux. Et j’ai cru sentir, dans le sable d’Alamein, cette odeur de marée que nous avions, à chacun de nos retours, tant de joie à retrouver, Audierne encore si loin de nous mais que nous commencions alors, après la victoire que nous venions de vivre, à espérer revoir un jour.

Il fallut encore attendre plus de 2 ans pour le revoir et le respirer, 2 ans de combats, de victoires, mais aussi de morts, de blessures et d’espoir. 4 ans ½ avant de nous assurer que notre départ tragique de juin 40 n’avait été qu’un début et non une fin et que, ce jour-là, nous avions fait entré notre petite commune parmi les toutes premières sur lesquelles De Gaules avait pu s’appuyer pour créer son armée et lancer ce mouvement irréversible de refus qui prit ensuite le nom de Résistance.
"

Laurent Laloup le vendredi 03 octobre 2008

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