|
Désertion en Indochine Dans "Les soldats oubliés de la 1re DFL" de Pierre Granier
DE CURIEUX TOURISTES
Des ennemis, qu'on n'osait pas appeler par leur nom, mais on pensait bien sûr aux Japonais, alliés d'Hitler et de Mussolini, et sur lesquels, en France, on ne savait pas grand-chose, autant dire: rien. Mais «on » avait laissé entendre à Marseille, dans les bureaux du dépôt, aux jeunes officiers et aspirants volontaires pour l'Extrême-Orient, que là-bas, ils sauveraient l'honneur de la patrie vaincue, outragée, partiellement occupée. Haut les coeurs, et nom de Dieu vive la Coloniale!
[...]
Malheureusement, cet espoir fut déçu, et le réleil fut d'autant plus cruel, dès l'arrivée dans les eaux indochinoises, que d'autres militaires occupaient déjà le pays : le bateau ne s'était pas encore complètement immobilisé le long d'un quai de Saïgon, que les premiers soldats nippons apparurent. Puis ils furent innombrables, omniprésents, quand les passagers du « Cap Tourane » commencèrent à déambuler dans les artères de Saïgon, surtout dans la rue Catinat, entre le Continental et la Cathédrale. C'était comme une prolifération de touristes d'un genre particulier, tous en uniforme verdâtre, avec des casquettes rondes, de lourdes bottes et, pour les officiers, de longs sabres recourbés qui n'étaient pas seulement de parade, comme on le verrait plus tard...
[...]
Dès l'accostage du « Cap Tourane » le long d'un quai de Saigon, un aspirant de notre groupe, nommé Le Coniac de La Longraye, avait décidé qu'il ne pouvait tolérer une situation pareille. En traînant ses guêtres dans le port, il repéra un cargo chinois qui semblait sur le point d'appareiller, à destination de Hong Kong, selon une précision fournie par un matelot du bord. Le Coniac acheta une tablette de chocolat, et s'embarqua le soir même, clandestinement bien entendu, sur ce bâtiment, peu avant le départ. Quand l'équipage le découvrit, le navire était en pleine mer, et n'allait pas faire demi-tour pour un passager clandestin, qui n'était sans doute ni le premier, ni le dernier.
Je devais retrouver Le Coniac deux ans plus tard, dans les sables de Tripolitaine... Jacques Ghémard le samedi 09 juin 2007 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |