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Sauvetage en mer A la fin juin 1942, après un mois de séjour à Mourmansk, la corvette « Rosalys », des Forces navales françaises libres, fait partie de l’escorte du convoi « retour » QP 13 comprenant trente cinq navires en provenance de Mourmansk et d’Arkhangel en URSS. Elle est commandée par le capitaine de corvette à titre temporaire André BERGERET, un officier de réserve venant de la marine marchande, futur Compagnon de la libération.
Le 4 juillet, en fin de journée, le convoi se sépare en deux et la Rosalys poursuit sa route, à destination du port de Reykjawik en Islande, avec seize navires marchands et cinq escorteurs, dont l’aviso-dragueur Niger, chef de groupe, qui a pris à son bord des survivants de divers navires de précédents convois.
Le temps est très mauvais et empêche tout relèvement pendant plus de 48 heures, ce qui fait que la position des navires est simplement estimée. Le 5 juillet au soir, le Commodore du convoi pense qu’il se trouve au sud d’un champ de mines installé par les britanniques, en défense de l’accès du détroit de Danemark.
En réalité, faute de point précis, les navires marchands et leur escorte pénètrent dans le champ de mines. En quelques minutes, six bâtiments sautent et coulent. Pendant cinq heures, sans tenir compte du danger représenté par ces mines magnétiques, l’équipage de la corvette française réussira à récupérer 179 survivants.
Le texte qui suit est extrait du livre « Les corvettes de la France libre » du commandant Pierre de MORSIER, Compagnon de la libération, Distinguished Service Cross britannique, lui-aussi officier de réserve, de la marine marchande, ancien commandant de la corvette Lobellia pendant deux ans de 1941 à 1943. (Editions France Empire 1972)
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Dans une lumière déclinante, environ vingt-cinq hommes sont directement tirés de l'eau. Les autres sont ensuite recueillis des radeaux, des embarcations renversées ou tenues par leur ancre flottante. Etant donné la mauvaise visibilité, certains d'entre eux doivent à des fusées ou éclats de lampes torches d'avoir été
aperçus.
Un homme fait accoster une embarcation pleine de survivants. Au lieu de monter lui-même à bord, il sort un revolver et se tire une balle dans la tête. Survivant pour la quatrième fois, il préfère en finir avec la vie.
Entre 21 h 20 et 22 h 15, la Roselys est en contact par projecteur avec le Saint-Elstan qui chasse des contacts asdic et qui repêche des survivants. Vers minuit, la visibilité tombe à un demi-mille.
A 2 heures, le 6 juillet, les derniers survivants aperçus ont été embarqués et la Roselys fait route pour atterrir. La brume se lève à 3 h 30, la visibilité est de 5 milles. Un quart d'heure après, Ritr Huck est reconnu, caractéristique avec sa brèche profonde. D'après le point d'atterrissage et les routes suivies pour y arriver, la position de 2 heures devait être 12 milles dans le 315 de Straumnes. Saint-Elstan et Lady Madeleine sont aperçus dans le S.W. Le chalutier islandais Vebjorn, envoyé à la recherche de survivants, est rencontré.
La Roselys a à son bord cent soixante dix-neuf sur¬vivants : trois du Niger, quarante-six du Heffron, trente deux du Hybert, quarante du Massmar et cinquante-huit du John Randolph. Quatre des navires de commerce coulés sont américains. Un cinquième, le Rodina, est soviétique ; il avait à bord des familles de diplomates soviétiques à Londres. Saînt-Elstan a vingt-trois survivants à bord, Lady Madeleine, quarante.
Ainsi cinq cargos et un escorteur ont été perdus1. Il y a deux cent quarante-deux survivants. Parmi les marins perdus figure le chef de groupe, disparu avec le Niger.
Sur la Roselys, les survivants sont répartis dans tout le bord, y compris la machine et la chaufferie. Des soins sont prodigués aux blessés, parmi lesquels huit sont atteints gravement.
La corvette accoste à Reykjawik le 6 juillet à 19 h 15. BEREGERET relève que pendant les cinq heures qu’ont duré les opérations de sauvetage, effectuées dans des conditions dangereuses dont beaucoup se rendaient compte, état-major et équipage ont fait preuve de la plus grande endurance et du plus entier dévouement.
Sous les ordres de l’enseigne de vaisseau PETROCHILO, officier en second, le repêchage des rescapés, les soins à leur donner ont été organisés dans des conditions d'efficacité et de rapidité remarquables étant donné l'état de la mer et les possibilités réduites d'une corvette. L'enseigne de vaisseau PHILIPPON, le quartier-maître R.D.F. ABARNOU et le matelot asdic ROM, accrochés d’une main aux filets, à l'extérieur de la coque, plongés dans l'eau jusqu'à la poitrine par les coups de roulis, saisissaient les survivants. Le matelot infirmier AVELINE a été d'une compétence et d'un dévouement au-dessus de tout éloge, donnant des soins non seulement aux blessés graves, mais encore à une trentaine d'hommes que leur séjour dans
l'eau très froide et le mazout absorbé mettaient en danger.
Ainsi la Roselys, seule corvette française à avoir été envoyée sur la route de Mourmansk, a totalement rempli son rôle de bâtiment de défense rapprochée, d'assistance et de sauvetage. Elle a fait honneur au pavillon national.
Roselys sera citée à l’ordre des F.N.F.L. Parmi les citations individuelles figureront les enseignes de vaisseau PETROCHILO et PHILIPPON, le matelot asdic ROM et le second maître R.D.F. ABARNOU. Notre camarade BERGERET recevra la Distinguished Service Cross britannique. Il sera fait aussi officier de la Légion of Merit américaine ; il sera le premier officier étranger à recevoir cette dernière décoration. Le second maître canonnier GOURONG, le matelot canonnier THOMASSET et le matelot fusilier NICOT seront « Mentioned in Despatches ».
La corvette appareille d'Islande dans la nuit du 7 au 8 juillet pour rejoindre, aux côtés du cutter Bibb et du destroyer Babbitt, tous deux américains, avec des navires de la portion Islande, le convoi ON 110, environ 450 milles dans le Sud.
Roselys rejoint ainsi notre groupe B 3, auquel elle est maintenant affectée. En arrivant, elle échange quelques messages d'amitié avec Renoncule et transmet entre autres : « Les voyages forment la jeunesse. »
(Pierre de MORSIER)
1. L'avant du John Randolph toutefois a pu être ramené à Reykjawik.
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NB : « Les citations individuelles » dont l’auteur du livre fait état, entraînent l’attribution de la Croix de guerre pour les intéressés.
« Mentioned in Despaches » ou MiD : le récipiendaire est mentionné dans le communiqué officiel du War Office. Instituée en janvier 1920, cela se traduira, pour la seconde guerre mondiale, par une palme de bronze agrafée sur le ruban de la « 1939-45 War Medal ». Pouvant être décernée plusieurs fois à une même personne pendant une même campagne, une seule palme figurera néanmoins sur le ruban de la décoration, sans tenir compte du nombre de MiD. Yves MORIEULT le vendredi 29 janvier 2010 Recherche sur cette contribution | |