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Emile Laffon était un personnage différent. Il était ingénieur des Mines. Très tôt, il s'est aperçu que ce n'était pas sa véritable vocation : au fond, il préférait le grand air … et la parole. Il est donc devenu très vite avocat. Il a été, dès son premier concours, premier secrétaire de la « Conférence du stage » et s'est imposé assez vite dans ce milieu. Il a fait la guerre comme officier aviateur, il était très lié avec des hommes comme Robert Lacoste, chez qui il s'est réfugié quand il est revenu de la guerre. De là, il est parti pour Londres et a fait plusieurs fois l'aller-et-retour Londres-Paris. Son choix était d'assurer la liaison avec la France occupée. Je crois qu'il a tout de suite été repéré par le général de Gaulle. Il n'a pas eu le désir d'entrer dans la France combattant et il a été parachuté avec pour mission d'organiser et de préparer la Libération. Très tôt, en effet, le général de Gaulle a prévu le risque de voir une administration militaire étrangère, l'Amgot, imposée à la France libérée. Et c'est, en effet, ce que les alliés préparaient. Il n'est pas exagéré de dire que le général de Gaulle en était obnubilé. Il pensait, au fond, que l'on pouvait empêcher le parti communiste d'être seul maître du terrain à la Libération : par contre, il était beaucoup plus anxieux des projets américains.
Vous saviez qu'Emile Laffon avait été à Londres ?
Oui. J'étais intime avec Laffon. Nous déjeunions trois fois par semaine ensemble lorsqu'il était à Paris, nous nous téléphonions tous les jours. Mais le fait qu'il soit allé à Londres a rendu moins bons ses rapports avec Bidault dans la mesure où celui-ci, bien qu'il ait été content d'entendre ce que Laffon lui rapportait des propos du Général de Gaulle, était gêné par le côté un peu cassant de Laffon, qui en retirait aussi une certaine supériorité.
Quel souvenir gardez-vous des conversations avec Laffon sur le Général de Gaulle ?
Ils avaient beaucoup parlé de l'organisation intérieure de la France en vue de sa libération. Le Général lui avait dit qu'il fallait se préparer le plus tôt possible, qu'il fallait trouver des hommes acceptés par la Résistance pour pouvoir exercer pleinement leurs fonctions et qui aient des qualités de courage et la formation qu'il fallait. Il a décrit -lui-même ce que devaient être les commissaires de la République. Les rapports entre Résistance intérieure et Résistance extérieure ont été très bien traités par Laffon, alors que Georges Bidault ne savait pas ce qu'était Londres et qu'à Londres on se rendait difficilement compte de ce qu'était et de ce que pouvait la Résistance intérieure. Laffon était très intelligent, très brillant et ce qui comptait avant tout pour lui, c'était l'autorité, ce qui n'était pas du tout le genre de Bidault. Du reste, on l'a vu plus tard, quand Laffon a été l'adjoint de Koenig en Allemagne, où les rapports entre les deux hommes ont été très difficiles.
Source : www.charles-de-gaulle.org/ 
Entretien avec Jean Morin
par Paul-Marie de La Gorce Jean Morin était membre de l'Organisation civile et militaire (OCM), Assistant du Président du CNR. Laurent Laloup le jeudi 14 juin 2007 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |