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Au coeur de la Préfecture de Police : de la Résistance à la Libération 2e partie
La Préfecture de Police : une Résistance oubliée 1940 -1944
"Robert JOBEZ
Moins d’un mois après l’arrestation de Louit, l’inspecteur Robert Edouard Jobez, un ancien engagé volontaire de 1917 à 1921, entre dans une résistance précoce. Né le 28 juin 1898 à Paris, orphelin à dix-sept ans, il est nommé inspecteur à la PP en avril 1921, et affecté à la Police Judiciaire. En février 1925, il est mis à la disposition des Affaires Etrangères. Brillant linguiste en anglais et en chinois, il devient vite un sinologue averti. Il est successivement en fonctions à Tien-Tsin comme inspecteur, puis chef de la Sûreté et plus tard sous-chef à la Garde Municipale, puis en 1933 à Shanghaï en tant que directeur-adjoint des services politiques et de Sûreté de la Concession française, où l’effectif qu’il dirige compte des Français, des Chinois, des Tonkinois mais aussi des Russes… Il y traite plusieurs affaires très sensibles. Il a ainsi à connaître des suites de l’affaire «Hilaire Noulens» traitée en 1931 : deux agents du Komintern arrêtés en raison de leurs agissements. Très politisée grâce au savoir-faire soviétique qui fait des agitateurs des victimes, jusqu’à faire intervenir des célébrités aussi éminentes qu’Albert Einstein, Clara Zetkin, madame Sun-Yat-Sen ou Henri Barbusse. L’affaire révèle des personnages complexes, puisque les deux protagonistes répondent aussi aux noms de Paul et Gertrude Ruegg, puis après un complément d ’enquête, ils deviennent Yakov Rudnik et Tatiana Moissenko. Jobez est aussi en charge des investigations sur l’assassinat, dans la concession française, le 25 décembre 1935, de Tang-Yu-Jen, le vice-ministre en charge des communications de Tchang-Kai-chek soupçonné d ’être à la solde des Japonais. Il devient un des artisans de la réorganisation de la police : création d’une Identité Judiciaire, d’un service juridique, de cours pour les recrues… Il mène une lutte énergique tant contre les mafias locales que, à nouveau, contre le Parti Communiste émergent ou contre le terrorisme japonais. A la tête de la Police Spéciale, il est chargé, en cas d’évènements graves, de la sécurité intérieure de la Concession: il dispose à cette fin de réservistes régulièrement formés et de véhicules blindés. Le 12 juillet 1940, il envoie sa lettre de démission pour «aller servir son pays». Le 14 juillet, ce père de trois enfants rejoint les Forces Françaises Libres via le Canada avec vingt-sept agents de son effectif, reçus par de Gaulle. L’acte d’engagement de Jobez dans la Légion Etrangère date du 11 août 1940 et celui dans les FFL du 14 septembre. Il crée et devient responsable du service de sécurité du général de Gaulle, sous les ordres du colonel Passy et s’installe dans les locaux de la Sûreté aux Armées du QG d’Old Dean Common près de Londres. Il est peu après victime d’une manipulation d’un de ses collaborateurs, Meffre, qui avait déjà dans le passé été impliqué dans des affaires litigieuses. « L ’affaire Howard » consistait en l’occurrence en un faux dossier monté contre l’Amiral Muselier: exploitée contre de Gaulle par les services anglais, elle coûte son poste à Jobez, qui part en Afrique, au Moyen-Congo, le 16 avril 1941, où il doit réorganiser les services de police. Le 25 juin il rejoint la mission des FFL dans la Gold Coast : depuis Accra, celle-ci couvre toute l’Afrique anglaise, il y est en charge du Renseignement. Jobez est aussi chargé à la radio d’émissions de propagande gaulliste qu’il assure lui-même. Proposé pour devenir le chef de la police de Dakar, où il avait été condamné à mort dès 1941, la démarche reste sans suite. En février 1943 il est capitaine, chef-adjoint de la Mission Militaire Française à Chung-King et il est nommé un peu plus tard à Alger. Il rejoint les cadres du quai d’Orsay en exil en septembre 1943, mais Jobez n’est rayé des listes de la Préfecture de Police que dix ans plus tard. Homologué lieutenant, nommé entre-temps Consul de France à Colombo, puis à Hong-Kong en 1946, il quitte l’affectation en juin 1951 à bord du paquebot «Félix Roussel». Il devient alors sous-directeur au Ministère des Affaires Etrangères. Dans le creux des années 50, on le trouve conseiller à l’Ambassade de France à Kaboul, puis à Karachi. Il termine sa carrière en 1963, consul général à Saïgon et Ministre plénipotentiaire. Robert Jobez est co-fondateur de la collection «Le droit chinois moderne» et il est l’auteur de plusieurs livres sur la Chine dont certains sous le pseudonyme de Robert Magnenoz: « L’expertise en écriture des documents chinois », « Histoire politique et criminelle de Shanghai », « Organisation du gouvernement nationaliste d’après les textes législatifs», «L’expérience communiste en Chine » et « De Confucius à Lénine. La montée au pouvoir du Parti Communiste Chinois ». Il meurt en janvier 1980 après s’être retiré à Meudon, officier de la Légion d’Honneur, titulaire de la Médaille de la Résistance avec rosette et de nombreuses décorations étrangères." Laurent le vendredi 15 janvier 2016 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |