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Jean-Louis Fraval "J'ai choisi le tempête" de Marie Henriette Chammings
"Jean-Louis(1) m'emmena jusqu'au Parc de la Tête d'Or où nous serions tranquilles pour parler. Une brume légère montait du fleuve et l'ombre des arbres était accueillante. Nous nous assîmes sur un banc, devant un étang. Quand nous eûmes bien dit ce qu'il y avait à dire sur la résistance des jeunes et sur le rôle que nous aurions de plus en plus à jouer dans la guerre, il me raconta la vie en Angleterre depuis la grande bataille au-dessus de Londres. Je n'osais pas lui demander comment il était venu dans cette région de France et ce qu'il allait faire maintenant. Il continua :
« Etes-vous de Paris ou avez-vous des attaches en province ?
— Oui, j'en ai. En Bretagne. »
Il se tourna vers moi pour me regarder :
— Où?
— Dans le Finistère, à Concarneau.
— Près de chez moi, je suis du Faouët.
Nous nous sentîmes presque de la même famille. Il se mit à dessiner des avions dans le sable avec une branche. Je dis encore : « Pensez-vous que les Alliés débarqueront bientôt? Il serait grand-temps, vraiment, qu'ils viennent. Ceux de la côte, quand ils se lèvent, regardent la mer, espérant y voir des bateaux, des quantités de bateaux, mais, lune après lune, il n'y a toujours rien. » La brise faisait frissonner les peupliers autour de nous. « Avant que les feuilles d'automne ne tombent... » et il ne finit pas sa phrase. Nous étions déjà en juillet.
La valise était si chargée que la poignée avait cédé. J'avais tant marché que mes sandales de toile, de ma fabrication, s'étaient déchirées, et on m'apprit avant mon départ que celui que j'avais attendu si tard après le dîner dans un café avait été pris et conduit au Fort Montluc. La chaleur ne diminuait pas et le train était, évidemment, bondé. Mais j'étais contente d'avoir vu Jean-Louis et d'avoir fait ce que j'avais à faire. Je m'allongeai dans le couloir, épuisée. Les gens me bousculaient et me marchaient dessus, mais je dormais, rêvant à la Bretagne et à la fraîcheur de la mer. Jean-Louis embarquerait-il pour l'Angleterre sur une plage déserte? Il n'y en avait plus une seule de déserte : les Allemands construisaient un mur, un grand mur, épais, infranchissable, en béton qui résisterait pendant des générations. Dès mon retour en Bretagne, où les grandes vacances nous ramenèrent, ma sœur, sa fille et moi, j'allai le contempler.
1. Envoyé en France par le BOA (Bureau des Opérations Aériennes) et pour contacter le Général de la Porte du Theil, Haut-Commissaire des Chantiers de Jeunesse. "
Nommé plus loin Jean-Louis Fraval Laurent Laloup le mercredi 17 juin 2009 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |