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" Le Yediot Aharonot de Tel Aviv publiait fin septembre (1) un article révélant un accord nucléaire jamais révélé entre la France et Israël, ou comment la France a livré à l’Etat hébreu l’arme nucléaire. A la tête de cette fantastique trahison étatique, un Français, Abel Thomas, aujourd’hui âgé de 80 ans. Il n’est pas précisé dans l’article (ce que nous éclairons par des documents exclusifs) qu’il fut député UDF avant de tenter, en mai 1981, de rallier les eaux mitterrandiennes. Via Tel Aviv.
1. La traduction de cet article, signé par Mikhael Karpin, paru en pages 16,17 et 25 du supplément hebdomadaire du Yediot Aharonot du 29 septembre 2001, figure dans Courrier International n° 578
Dans Le Paquet-cadeau atomique d’Abel Thomas, on lit : « Dans les années 50, le destin de l’Etat hébreu était l’une des priorités du pouvoir français. Une politique d’aide militaire, secrètement élaborée au ministère de la Défense, aboutit à un accord nucléaire jamais avoué […] Haut fonctionnaire et personnage très influent de la politique française de défense de l’après 1945, Abel Thomas est l’homme qui a livré le programme nucléaire français à Israël. Dans les années cinquante, il était le chef de cabinet du ministre de la Défense, Maurice Bourgès-Maunoury […] De nombreux politiques et militaires français, socialistes pour la plupart, entretenaient alors avec Israël une véritable passion romantique, et Abel Thomas joua le rôle le plus décisif dans la participation de la France à l’option nucléaire de David Ben Gourion. “C’est l’oeuvre de ma vie. Pour moi, le destin d’Israël fut vital dès sa création.” » Le même article explique que le ministère de la Défense, Abel Thomas étant en première ligne, commença par livrer secrètement, à la fin de 1955, neuf Mirage… qui furent effacés des effectifs officiels, sans même en informer le ministère des Affaires étrangères dirigé par Christian Pinault, considéré, ainsi que la plupart des diplomates, comme « pro-arabe ».
En 1956, Thomas joua un rôle majeur dans l’opération de Suez, après la nationalisation du canal par Nasser, étant le contact privilégié de Shimon Peres, alors ministre israélien de la Défense. Mieux, Peres disposera même d’un bureau à Matignon, à côté de celui du Premier ministre! Puis, Abel Thomas, François Perrin, le directeur du Commissariat à l’énergie atomique, et Shimon Peres firent fléchir le Premier ministre Guy Mollet sur la question du nucléaire.
Dès octobre 1957, Israël et la France signaient un accord diplomatique avec des clauses secrètes sur le nucléaire. La France s’engageait à fournir une pile atomique qui devait être installée à Dimona, dans le désert du Néguev, l’uranium enrichi (mais Thomas a refusé de le confirmer) et le matériel nécessaire à la fission du plutonium. Bref, on parlait de nucléaire civil et on pensait nucléaire militaire. Comme devait le déclarer le journaliste d’investigation Pierre Péan, auteur de Les Deux Bombes (Fayard, 1982) : « Le plus étonnant est que les Français aient aussi rapidement livré un programme nucléaire à peine sorti des fonts baptismaux. » Il y eu en fait, en sous-main, comme le révèle Dominique Lorentz, dans Affaires atomiques (Les Arènes, 2001), aval secret des services américains : « C’est la France naturellement qui fut choisie pour aider Israël afin de ne pas mécontenter le Congrès. » Ce, d’autant qu’en 1956 la France ne détenait même pas encore un savoir-faire qu’elle n’a acquis en 1960 et que la France ne disposait pas encore de la bombe… qui intéressait Israël. Pour Lorentz, il y aurait eu en fait complémentarité entre les deux pays, la France apportant sa puissance industrielle et Israël les procédés américains. Ce qui explique que ce sont des Israéliens qui dirigeront le démarrage de la centrale de Marcoule et des physiciens israéliens seront présents, le 13 février 1960, à Reggane (Sahara), pour l’explosion de la première bombe A.
Qui connaît pourtant Abel Thomas? Pratiquement personne et son nom n’apparaît même qu’épisodiquement dans les deux ouvrages précités, les seuls pratiquement sur la question. Né à Fontenay-le-Comte (Vendée) le 18 juillet 1920, il est le fils d’un officier portant le même prénom et de France Chauveau. Passé par le lycée de Beauvais et l’Ecole polytechnique, cet ingénieur général du génie civil maritime, il participera à la Résistance (son frère mourra en déportation à Dora et sa mère sera décorée de la Croix de guerre par le général Koenig, fervent sioniste) et combattra, comme officier de chars, dans la division Leclerc (1942-1944). Il sera décoré de la Légion d’honneur et de la Croix de guerre (il serait également, ce qu’il ne fait pas figurer au Who’s Who mais dont il avait l’habitude de se vanter d’avoir reçu la médaille de la Haganah des mains de Ben Gourion, en 1958, à Tel Aviv, cf notamment Paris-Demain, n° 76, mars 1978). Adjoint au directeur du cabinet du ministre de la Défense nationale René Mayer (1948-1949), il sera conseiller technique de Jules Moch (1950-1951) et Maurice Bourgès-Maunoury (1952). En 1954, il devient le directeur de cabinet de ce dernier, cette fois à l’Industrie. Commissaire général à l’industrialisation de l’Algérie (1956), il retrouve Bourgès-Maunoury à la Défense (1956-1957) puis sera son directeur adjoint comme président du Conseil (1957) et directeur de son cabinet à l’Intérieur (1957-1958).
Il suit donc de très près l’opération de Suez comme on l’a vu. Edouard Sablier (Valeurs actuelles, 25 janvier 1993) lui consacrera un long portrait, où il le présente comme « l’homme qui a engagé la France et l’Angleterre dans l’expédition de Suez ». Ayant reçu carte blanche de Guy Mollet, il enverra en Israël, en trente voyages, la bagatelle de 270 avions de chasse Mystère, à la suite d’une réunion secrète ayant scellé les accords financiers. Y participaient Shimon Peres, David Ben Gourion, le général Moshe Dayan et Golda Meir. La rencontre se déroula, sans doute pour des raisons non anodines, dans la maison du père de Bonnier de La Chapelle, le jeune activiste manipulé qui assassina l’amiral Darlan, à Alger, en 1942. Autant d’influence et d’entregent devait sceller une grande carrière, mais le retour des gaullistes sonnera pour lui la fin des cabinets ministériels. Relégué comme commissaire à l’Aménagement du Territoire (1959-1963), il sera par la suite PDG d’une société d’aéroglisseurs, conseiller technique de la Société de l’aérotrain, avant de finir comme inspecteur général du génie maritime en 1971. Conseiller ou administrateur de diverses sociétés, notamment UPI du groupe Goldsmith, il continue à entretenir des rapports étroits avec diverses associations sionistes, notamment l’Alliance France-Israël.
En 1978, il sollicite, selon ses dires, l’investiture socialiste mais ne l’obtiendra pas. En revanche, à la demande de l’Alliance France-Israël (selon ses propres dires), il devient le suppléant de… Jacques Dominati dans la 2e circonscription de Paris, c’est-à-dire ce que les israélites appellent le « Pletzl » (les IIe et IIIe arrondissements). Le tout ayant été obtenu avec l’aval du sénateur socialiste Georges Dayan, le plus proche ami jusqu’à sa mort de François Mitterrand, qui lui aurait même « donné sa bénédiction » et le « soutenait en sous-main ». Il est alors présenté, dans le journal électoral Paris-Demain, comme « un socialiste qui a toujours refusé de se faire le complice des communistes, un homme qui a toujours mené le combat pour les libertés et contre tous les totalitarismes». A cette occasion, il se dévoile : « En 1956, lorsque le jeune d’Etat d’Israël se voit menacé d’écrasement par la formidable coalition de ses voisins arabes, Abel Thomas contribue activement à la décision de lui livrer massivement les armements nécessaires […] Ce sera la fulgurante campagne du Sinaï, qui fonde une deuxième fois l’indépendance d’Israël et scelle définitivement l’amitié entre le peuple français et le peuple d’Israël. »
Le 6 mai 1978, presque par hasard, il est proclamé député UDF à la suite de l’entrée au gouvernement du responsable du Parti républicain Jacques Dominati dont il était devenu le suppléant. Comme il l’écrit dans le courrier inédit que nous publions ici, « cette élection […] était un sauvetage […] pour sortir de l’asphyxie morale et matérielle » dans laquelle l’aurait placé le régime gaulliste. Durant trois ans, il ne cessera de soutenir Israël au Palais-Bourbon. Arrive mai 1981, la dissolution de l’Assemblée. Thomas, comme le démontre le courrier que nous publions, sollicite alors, via les réseaux sionistes, une « mission d’ambassadeur extraordinaire auprès d’Israël, pouvant se transformer en charge d’ambassadeur en titre ». Laquelle serait directement imposée par François Mitterrand, depuis Tel Aviv, à la demande de Shimon Peres. Las, l’opération ne se réalisera pas : les anciens soutiens d’hier sont des ingrats. Ils n’ont pas montré la reconnaissance qu’il pouvait attendre. Encore en 1984, il apparaît comme membre d’honneur des Cercles Jules Ferry, une association montée par Charles Pasqua et truffée de francs-maçons (son président est Me Richard Dupuy), théoriquement pour défendre l’école libre." Laurent Laloup le mardi 14 août 2007 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |