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Jacqueline RICHET
Marie Amélie Jacqueline RICHET
Née le 9 janvier 1908 - Paris, 8ème, Seine
Décédée le 5 décembre 1984 - Paris, 5e, Seine, à l'âge de 76 ans
Etudiante en Médecine en 1928
Parents
Jacques RICHET 1881-1954
Jeanne SAINSÈRE 1883-1972
Union
Mariée le 2 avril 1946, Paris, 8ème, Seine, avec Roger SOUCHÈRE 1899-1963
Médailles : Croix de guerre 1939-1945 ; Chevalier, puis officier de la Légion d'Honneur (1963 et 1984)
Un bonheur vite perdu
Jacqueline, née le 9 janvier 1908, bien que privée de son père 4 ans pendant la guerre de 14, eut une enfance heureuse, vécue dans une ambiance particulièrement chaleureuse.
Élève sérieuse à l'esprit ouvert, curieux et subtil, elle commença ses études de médecine. Elle se maria le 12 octobre 1928, attendit un enfant « mort-né » et dut se séparer de son mari un an après. Le divorce et l'annulation du mariage furent prononcés en 1932.
Cette année et ce divorce furent très traumatisants. Elle ne put continuer ses études. A cette époque, divorcer ne se faisait pas et elle fut en bute au rejet de son milieu pendant une dizaine d'années. Heureusement, quelques amis et membres de sa famille la soutinrent de leur amitié et de leur affection. Elle maintint une vie culturelle intense. Dessinant et peignant, elle fut l'élève de Fernand Léger et d'André Lhote, l'amie d'André Beaudin et de Suzanne Roger. Elle fit aussi de nombreux voyages, notamment avec des cousines.
Résistante et déportée
Le nazisme et son idéologie la révoltèrent. Revenue à Paris après l'exode ou elle passa avec sa famille en zone libre, elle organisa à La Croix-Rouge le service des prisonniers civils, et s'engagea dans la résistance, en octobre 1942, dans le réseau de renseignements La Confrérie Notre-Dame de Castille (C.N.D Castille), où elle a été homologuée capitaine, avant de faire également partie, des réseaux Hector et Rémy. Elle était notamment chargée de l'hébergement des évadés et des parachutés. Elle fut arrêtée le 31 mai 1943 parce qu'elle avait hébergé une femme recherchée par la Gestapo, connut les cellules de la « rue des Saussaies » et de la prison de Fresnes, fut condamnée à mort. Puis elle fut déportée à Ravensbrück en octobre 1943, (matricule 24584) et fit partie au « bloc 32 » des « Nacht und Nebel » (Nuit et brouillard-destinés à disparaître sans laisser de trace). Comme tous les déportés, elle connut la peur, la promiscuité, la faim, le froid, la vermine, la dysenterie, le travail forcé en usine et ailleurs, jusqu'à l'épuisement, les hurlements de l'encadrement des camps, leurs coups, leurs matraquages et leurs humiliations.
Elle noua des liens d'amitiés sans équivalent, nés de la fraternité. Ses « camarades » de déportation se souvenaient de sa fermeté d'âme, de sa douceur, de sa générosité, de sa disponibilité. Elle se portait volontaire pour des missions où elle risquait la mort pour l'éviter à d'autres, donnait un chandail ou un bas de laine quand elle n'en avait pas pour elle-même, conseillait les nouvelles venues, terrorisées, sur les conditions de la survie (« Ne fais pas de troc. La mince tranche de saucisson une fois par semaine représente des protéines indispensables. Ne l'échange pas contre du pain. Si un coup de matraque te flanque par terre, relève-toi tout de suite, sans cela on te tapera jusqu'à ce que tu ne bouges plus. »). Elle avait plusieurs « filles » à qui elle avait rendu service et qui venaient régulièrement reprendre courage auprès d'elle. Ses dessins, plusieurs fois exposés, contribuèrent au souvenir de la déportation.
Quand elle fut transférée à Mauthausen, un camp d'hommes, elle y retrouva Roger Souchère avec qui elle avait résisté. Elle était malade, extrêmement affaiblie, mais il put lui donner une pomme de terre qui lui donna le courage de continuer à lutter pour survivre. Elle a été rapatriée le 20 avril 1945 par la Croix-Rouge suisse.
Dès son retour, elle écrivit avec son oncle Charles Richet et son cousin Olivier Richet un des premiers témoignages sur les camps (Ravensbrück, Buchenwald, Dora, puis Mauthausen et Bergen Belsen) : Trois bagnes. Il faut souligner dans ce livre l'absence totale de haine.
De nombreuses charges familiales
Après la guerre, elle se maria le 2 avril 1946 avec Roger Souchère, donna naissance à leur fille Jeanne le 1er janvier 1947 tout en « héritant » de plusieurs beaux-enfants. Une immense affection réciproque naîtra vite entre eux et elle assuma pleinement ses nouvelles charges familiales.
Elle fut passionnée par les réflexions qu'elle partageait avec son mari en philosophie, économie ou politique. Ils appréciaient la présence d'anciens résistants et déportés auprès d'eux et les reçurent fréquemment. Mais la santé de son mari étant souvent déficiente à cause des séquelles de la déportation et d'une fracture du crâne dans un accident de voiture, et ses affaires difficiles, elle connut des moments d'inquiétude, voire d'angoisse. Elle trouva un dérivatif en étudiant sérieusement la graphologie ou la caractérologie. Malgré ses propres difficultés elle ne cessa d'aider son entourage, même ceux dont elle savait qu'ils abusaient de sa générosité.
L'ADIR, les liens inaltérables de la fraternité
A la mort de son mari, en 1962, elle dut déménager, habita avec sa fille chez sa mère ou elle accueillit souvent sa belle-mère. Elle se mit à travailler à l'âge de 56 ans et devint directrice commerciale à la Manufacture Nationale de Sèvres.
Elle se rapprocha davantage de l'Association des Déportés et Internés de la Résistance (ADIR) dont elle devint Secrétaire Générale. Elle participa au long travail de la rédaction du livre collectif Les françaises à Ravensbruck. Grâce à son ouverture d'esprit et son esprit de négociation elle sut maintenir l'harmonie entre les différentes associations de déportés, d'obédiences politiques différentes. Elle écrivit quelques articles, s'occupa du Concours de la Résistance et de la Déportation, contribua à l'organisation d'expositions, notamment Il y a 40 ans la résistance, exposition parisienne puis itinérante, et a des publications d'hommage et de souvenir comme les dernières Lettres des 5 fusillés du Lycée Buffon ou les 19 poèmes de déportés.
Une relation intime à sa famille
Elle vécut dans l'admiration, voire la vénération de ses grands-pères Charles Richet et Olivier Sainsère. Intime toute sa vie avec ses parents et sa grand-mère Marie Sainsère, elle leur porta, un amour profond et une tendresse constante.
Très attachée à Ribaud, elle veilla avec son cousin Olivier à faciliter la vie de tous dans l'île, mettant à la disposition du gardien une petite maison à la Tour Fondue et lui procurant un bateau.
Elle eut la joie de connaître ses trois petits-enfants, Florence, Sandrine et Christophe et reprit ses voyages, notamment avec des amies de déportation.
Elle mourut d'un cancer le 5 décembre 1984. Lors de la messe de funérailles, à Saint-Philippe de Roule, son cercueil fut recouvert du drapeau tricolore et on entendit le Chant des Partisans.
Sources : - Le livre-mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945, tome 1 - Voix et Visages n° 193 Janvier-Février 1985, Bulletin de l'ADIR - Archives familiales
Bibliographie
Trois bagnes, Professeur Charles Richet, Jacqueline Richet, Olivier Richet, J. Ferenczi et fils, 1945.
Les françaises à Ravensbrück, Amicale de Ravensbrück et Association des Déportés et Internés de la Résistance (ADIR), ouvrage collectif, Gallimard, 1965.
Laurent Laloup le lundi 26 novembre 2018 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |