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" Pilote durant la guerre, le Dracénois vient de célébrer son centième anniversaire. Entre deux morceaux de vie, il livre son analyse sur la situation actuelle et ses secrets pour rester en forme.
« Cent ans, déjà… Jamais je n’aurais pensé pouvoir vivre si longtemps!"
Le regard pétillant, un sourire au coin des lèvres, Guy des Portes s’installe confortablement dans son fauteuil en velours, entouré de sa fille aînée, Béatrice, et de sa nièce, Emmanuelle.
Accrochée il y a quelques jours, la banderole d’anniversaire flotte encore au-dessus des portes-fenêtres.
"Il faudrait d’ailleurs songer à la décrocher un de ces quatre", sourit celui qui a vu défiler les années, et se plaît aujourd’hui à évoquer "le bon vieux temps".
Avec une précision et une mémoire des dates déconcertantes…
"Je suis né le 11 avril 1921 à Bonn, en Allemagne, car mon père était officier de Marine et commandant de la flotte du Rhin, mais j’ai passé une grande partie de mon enfance à Toulon, livre Guy. Sur les bancs de l’école, je n’étais pas un exemple de sagesse et ma mère en a vu de toutes les couleurs, se souvient-il. Mais j’ai quand même eu mon bac avec mention “assez bien”!"
"Je suis plutôt du genre têtu"
En 1939, lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Guy n’a que 18 ans, mais déjà le désir de suivre les traces de son papa.
"J’ai toujours voulu m’engager dans l’armée. Seulement, je n’avais pas la majorité civile, fixée à 21 ans à l’époque, et ma mère refusait de me laisser partir."
Mais c’était sans compter sur la ténacité du Dracénois, qui glisse dans un sourire:
"Vous savez, j’ai mon petit caractère, et je suis plutôt du genre têtu, alors j’ai fini par obtenir ce que je voulais, j’ai rejoint l’école d’aviation de Châteauroux, puis la Résistance et les troupes gaullistes."
S’en sont suivies moult péripéties, que l’ancien pilote se remémore avec nostalgie.
"Durant ces années, j’ai navigué entre Sète, Paris et l’Afrique du Nord. J’ai frôlé la mort à plusieurs reprises… La première fois c’était au Liban, en 1943. J’avais attrapé la tuberculose et je suis resté au sanatorium durant plus de trois mois. J’ai bien cru que j’allais y passer. Et la seconde fois, c’était en 1944, à Stuttgart en Allemagne, où j’avais été envoyé en observation. J’ai bien failli être abattu par un raid aérien, et je le pense encore aujourd’hui, c’est un miracle que je sois en vie. Puis, après la guerre, j’ai monté ma propre société d’aviation, spécialisée dans l’épandage de produits antimoustiques à Constantine, en Algérie. J’y suis resté trois ans, jusqu’à l’indépendance."
Une période marquante...
"Ces années étaient très agréables. Ma société fonctionnait bien et puis, surtout, j’ai fait de belles rencontres. Celle avec Jacques Chirac à Alger, en 1959, sourit-il, mais surtout avec Nicole, ma femme, en février 1961. Elle était hôtesse de l’air et c’est une amie commune qui nous a présentés. Ça a été le coup de foudre immédiat."
De cette union, qui aura duré plus de cinquante ans, sont nés quatre enfants, neuf petits-enfants et un arrière-petit-enfant.
"Cette crise est pire qu’une guerre"
"Nous aurions dû fêter nos soixante ans de mariage cette année, si le destin n’en avait pas décidé autrement. Ma femme nous ayant quittés il y a neuf ans."
Aujourd’hui installé à Draguignan, Guy des Portes vit seul, mais n’est jamais très loin de ses quatre enfants, et tient plus que tout à son indépendance.
"Il ne veut même pas qu’une infirmière vienne l’aider pour préparer ses médicaments, il se débrouille seul", confie Béatrice.
Quant à la crise sanitaire, Guy dit observer la situation "d’un œil inquiet".
Pour lui, qui a connu la guerre, "cette pandémie est pire que cela, car elle est insidieuse, l’ennemi à combattre est invisible et la lutte semble interminable."
"J’ai surtout peur pour mes enfants, et pour les jeunes en général, poursuit-il, parce que moi, à mon âge, je crains dégun!"
Mais au fait, quel est le secret d’une telle longévité?
"Une grande part de destin, sourit Guy, un demi-verre de rosé le midi, de rouge le soir, dix minutes de pédalier d’appartement tous les jours, du chocolat, beaucoup de chocolat… et une tête dure!"«

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Laurent Laloup le jeudi 03 mars 2022 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |