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Paul Alexandre Peyrat - son Livre ouvert ! Jacques Pillien et Paul Peyrat avaient 17 et 18 ans et voulaient continuer le combat avec les alliés, comme la quasi-totalité des marins du commerce jeunes et célibataires à ce moment. Les marins du commerce qui étaient mariés avec des enfants et avaient leur place stable dans les compagnies préfèraient au contraire rester dans la légalité, ne serait-ce que pour "avoir l'oeil" sur leur famille...
La légalité du moment, c'était la plus grande partie de la flotte de commerce, restée Vichyste comme la Marine Nationale restée seule invaincue en 1940.
Il y avait "de l'ambiance"... Vouloir rejoindre les Anglais, qui avaient attaqué la flotte en train de démobiliser à Mers El Kébir en tuant 1300 marins le 3 Juillet 1940, ce n'était pas très bien vu par tout le monde.
Le navires des lignes Française de la Côte Occidentale d'Afrique étaient donc obligés de naviguer en convois protégés par la Marine Nationale, pour être sûr que:
- Personne n'essaie d'aller rejoindre les Anglais, au moment de passer Gibraltar par exemple...
- Que les alliés ne puissent pas capturer les navires Français. Car ils ne s'en privèrent pas, à chaque fois que ce fut possible.
Le 6 Mars 1942, le cargo Gabriel Guist'hau était en convoi sous bonne escorte entre Dakar, Casablanca, Oran et Alger, en train de passer le détroit de Gibraltar. Durant la nuit et au moment le plus favorable, les jeunes Jacques Pillien, Paul Peyrat et Yves Lecaboullec se sont emparés de la passerelle en enfermant le timonier, le matelot de veille, l'officier radio, l'officier de quart et le commandant, après s'être emparé par la ruse des quelques armes du bord, des révolvers.
Alors, (ils avaient étudié les cartes durant des semaines) ils ont soudain mis "en avant toute" et mis le cap vers Gibraltar!
La Sètoise et La Toulonnaise, les escorteurs de la Marine Nationale constatant ce bizarre comportement, ont interrogé le Guist'hau sans réponse puis ont ordonné:
-"Stoppez ou on vous coule!" Sans réponse.
-"Stoppez ou on vous coule!" Sans réponse. Bis...
Tandis que le traditionnel "navire observateur" Anglais se rapprochait, la Sètoise et la Toulonnaise ont accéléré pour se rapprocher aussi.
Malheureusement le commandant du Guist'hau (un ultra-Vichyste) réussit à se libérer. Comme il n'avait aucune confiance en "ces petits salopards
vicieux de gaullistes et de communistes qui sont partout", il avait planqué une arme dont tout le monde ignorait l'existence...
Je cite le Cdt Callo qui est alors allé libérer les prisonniers (tous les autres dormaient). Il menaça ensuite l'officier mécanicien de quart "en bas" pour faire stopper et mettre "en arrière toute", avec le révolver sur la tempe...
-Exécution, "en arrière toute"!!
Peu après, le Cdt fit des signaux lumineux aux militaires:
-"J'ai les pirates à la passerelle! Tirez dessus!"
Mais la Sètoise et la Toulonnaise s'approchaient trop vite, ils furent surpris par la marche arrière du Guist'hau. Collision!
Ensuite la passerelle fut reprise par les armes, le Cdt Callo légèrement blessé, Pillien et Peyrat sautèrent à l'eau pour essayer de rejoindre l'Anglais, qui s'était approché à moins de 60 mètres.
Le désastre fut qu'en position de faiblesse devant les Français, l'Anglais n'osa rien faire et s'éloigna par prudence peu après une seconde collision, cette fois sans casse. Pillien et Peyrat furent donc capturés, comme Yves Lecaboullec. Ce détournement d'amateurs avait échoué. Ils furent emprisonnés à Oran dès que possible.
Au début ils furent traités avec sympathie par des gars dont la majorité approuvaient très secrètement ce qu'ils avaient fait, à commencer d'ailleurs par le Cdt de la Sétoise, qui n'était pas un vichyste très convaincu.
D'autre part ces 3 jeunes gens étaient, contrairement à Guy Môcquet, totalement inconscients de la gravité légale des faits. Ils prenaient ça pour "de la bricole"...
C'est à Mers El Kébir que ça a commencé à très mal tourner car vu de Vichy, ce n'était pas "de la bricole":
INCULPATION de mutinerie, piraterie, détournement de navire, vol d'armes, violence envers l'officier radio, le timonier et le commandant, manoeuvre dangereuse ayant provoqué une collision, tentative de remise du navire à l'ennemi et donc, trahison envers la Patrie...
Seul un avocat renommé à Oran osa essayer de les défendre et des gendarmes soupçonnés de vouloir les aider à s'évader* furent remplacés par des "gars sûrs". Tel était le régime de Vichy, personne n'avait confiance...
(*c'était "justifié" d'ailleurs, car ils allaient le faire!)
Comble de malchance, ils sont tombés sur un tribunal militaire spécial, entièrement composé de gars qui venaient directement de Syrie, ceux de l'armée du général Dentz. Pas des marrants! L'armée vichyste de ce général devenu totalement pro-Allemand, venait de mener de très durs combats contre les Français Libre et les Anglais en Syrie et au Liban.
Ils furent tous les 3 condamnés à être passés par les armes le 23 Mars 1942, soit 17 jours après les faits. A l'époque, ça ne trainait pas!
D'autre part le recours en grâce auprès du Maréchal fut refusé le soir même.
C'est dire qu'ils voulaient "faire un exemple".
Pillien et Peyrat furent donc fusillés par la marine nationale à Mers-El Kébir, dès le lendemain à 06h00.
Yves Lecaboullec eut la chance de ne pas être fusillé, seulement pour avoir réussi à prouver qu'il avait 17 ans. Pillien et Peyrat avaient en effet trop bien "bricolé" leurs papiers, car pour que les Anglais les engagent, il fallait avoir 18 ans!
La peine de mort était alors interdite aux moins de 18 ans...
Yves Lecaboullec a eu beaucoup de chance, même s'il a failli y laisser sa santé. Il fut libéré de son camp de concentration peu après le 8 Novembre 1942, quand les Américains ont débarqué en Afrique du Nord, lorsque l'amiral Darlan a "retourné sa veste" en passant du côté des alliés, lui qui quelques mois plus tôt...
Comme Guy Môcquet, Pillien et Peyrat eurent le droit et le talent de faire une belle dernière lettre à leurs parents.
Aujourd'hui Guy Môcquet a une station du métro Parisien à son nom et on essaie de l'exploiter politiquement. Les parents (résistants aussi) de Jacques Pillien ont pu récupérer son corps, il est au cimetière à Eaubonne en région Parisienne. La rue de sa maison natale à Eubonne porte son nom, j'ai d'ailleurs habité durant 9 mois à 200 m de là en 1991. Le pauvre Peyrat n'avait plus de famille, il est donc resté presque oublié au grand cimetière de Mers El Kébir, que la Marine Algérienne garde aujourd'hui. Ne les oublions pas.
Pour l'anecdote ce triste squelette, que la marine nationale conserve très discrètement dans ses placards, a été évoqué avec précision il y a 2 ans dans l'Hebdo "Le Marin" par l'écrivain Jean-Yves Brouard.
D'autre part Yves Lecaboullec a connu dans son "camps de vacances" des marins Belges du cargo Carlier. Ceux-là croyaient escaler chez des copains en arrivant à Dakar en été 1940. Ils n'ont pas été déçus...
souvenirs-de-mer.blogdns.net 
C'était, "quand la France pète les plombs". Car j'ai parfois l'impression que ça recommence.
From: "Thierry BRESSOL"
Subject: [Messageries-maritimes] Guy Môquet, Jacques Pillien, Paul Peyrat et tous les autres...
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Laurent le jeudi 03 décembre 2009 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |