Contributions - Les Français Libres

Les Français Libres, de juin 1940 à juillet 1943

 
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Jean-Marie SIMON de Noisy Le Sec (2e DB)

Extrait de : 

Un Noiséen pendant la guerre
Je suis l'aîné d'une famille nombreuse de cinq enfants, trois garçons et deux filles. Nous habitions un immeuble boulevard Michelet.
Jean-Marie Simon

"(...) En résumé, cette classe 40, c'est-à-dire celle des jeunes gens qui ont eu 20 ans en 1940, a eu tous les destins possibles. Un quart a été fait prisonnier, les autres ont eu des destins très divers : chantiers de jeunesse, STO, volontaires de la France combattante, maquis, résistance intérieure mais aussi milice, Franc-garde... Plusieurs n'ont rien fait et sont passés au travers de tout.
Ceux qui ont combattu pour la libération de la France sont tous des volontaires qui méritent d'être honorés. J'y associerais tous les volontaires plus âgés, qu'ils soient français, étrangers ou de nos ex-colonies. (...)

Je n'étais toujours pas d'accord, je me disais : "Notre pays doit se relever, il faut combattre". Hélas, je ne voyais pas de résistance dans mon environnement et pourtant, je pensais : "Il faut partir".


J'envisageais de rejoindre un maquis dans la Nièvre, le pays de ma mère... Mais où était-il ?
À cette époque, en 42, il n'y avait rien d'inscrit, ni dans les journaux ni dans les gendarmeries. "Engagez-vous dans les troupes coloniales" n'avait pas été remplacé par "Engagez-vous dans la Résistance". Quand la zone dite "libre" a été occupée, le 11 novembre 1942, c'est à ce moment-là que j'ai pris ma décision. J'ai pensé que le maréchal Pétain, qui avait dit : "J'ai fait don de ma personne à la France", aurait dû se rendre prisonnier des Allemands. Il y avait surtout un général à Londres que j'entendais à la radio, et qui disait : "Rejoins-moi !" C'était le général de Gaulle, mais comment le rejoindre?

Bien que je m'appelle Jean-Marie, je n'avais pas tellement d'attaches bretonnes, aussi, il me fallait trouver un autre système pour rejoindre de Gaulle. J'ai contacté un de mes cousins qui était dans la Résistance à Puyoo, je suis allé le voir et il m'a dit : "Il faut passer par l'Espagne, je connais une filière de résistants". (...) Je décidai alors de tenter ma chance et je reconstituai de mémoire le parcours que j'avais fait de nuit avec le passeur. Malheureusement, j'ai alerté une patrouille allemande qui m'a tiré dessus alors que je traversais la Bidassoa à la nage...
Hélas, à mon arrivée sur l'autre rive, les Espagnols m'attendaient. J'étais prisonnier. C'était le 11 décembre 1942. (...)
Bien sûr, après, je me suis retrouvé en prison, c'était l'Hôtel de ville d'Irun, très belle demeure avec des murs moyenâgeux et fort épais. J'ai trouvé dix Français qui avaient été appréhendés dans la montagne alors qu'ils tentaient leur chance pour passer. C'est dans ces conditions que l'on voit ceux qui veulent continuer. »

Tentative d'évasion avortée, transfert au camp de Miranda
« Je logeais dans la baraque N° 1 avec vue sur la place de la Bandera. Je faisais partie du groupe français, d'autres avaient cru trouver une combine en se déclarant canadiens.
Le groupe le plus important était celui des Polonais qui était organisé militairement, puis celui des Belges. Nous n'avions pas forcément de bons contacts avec eux, car les Polonais nous reprochaient de ne pas les avoir soutenus, et les Belges nous reprochaient d'avoir laissé envahir leur pays. Nous n'y étions pour rien. (...) »

Départ pour Casablanca
« À ce moment-là, il fallait prendre une décision. J'avais la possibilité d'aller aux États-Unis pour apprendre à piloter ou pour devenir observateur, j'ai pensé que cela serait trop long, car je venais pour combattre. L'officier qui représentait les Forces françaises libres était un lieutenant installé derrière une petite table pas très riche.
L'officier qui représentait Giraud était un commandant avec une magnifique installation.
De toute façon, mon choix était fait depuis mon départ : je voulais rejoindre de Gaulle à Londres, donc la France libre. Après en avoir discuté avec l'officier gaulliste, j'ai cru comprendre que je devais, pour aller à Londres, m'engager dans les Corps francs d'Afrique. Ce fut fait !

[Photo ffl1944]

Nous avons traversé toute l'Algérie, nous avons été dirigés vers les confins est-algériens, pour rejoindre la colonne "Leclerc", qui n'était pas encore arrivée. À mon incorporation dans les Corps francs, avec les engagés de la Légion étrangère, j'avais perçu une tenue ancienne de l'armée française. Nous avons appris le maniement des armes et tout l'essentiel de la formation militaire. Nos tenues n'étaient pas très adaptées. Ainsi, j'avais reçu une paire de chaussures, du "43", alors que je chausse du "41", ce qui permettait l'aération des pieds.
Et puis un jour, vers la fin juillet, est arrivée une unité habillée en "Anglais", avec des shorts pas très élégants qui tombaient en dessous du genou, c'était la Force "L" du général Leclerc. Enfin, nous avions rejoint la France libre. »

Départ pour l'Angleterre, puis débarquement et combats en Normandie
« (...) Et, brutalement, la mitraille s'est abattue sur nous. Les Allemands nous attendaient. Je répliquai avec ma mitrailleuse 12.7, mais, soudainement, j'ai été frappé par plusieurs balles et je tombai de mon piédestal. Miraculeusement, une des balles qui aurait dû me transpercer le cœur avait été arrêtée par ma plaque d'identification. Mon blouson avait été tellement percé que mes camarades l'ont conservé.
J'étais à terre, mes camarades ne pouvaient pas bouger, mais j'avais près de moi, tout prêt, mon sac de grenades. Revenant à moi, j'ai pu ainsi nous dégager, mais tout le monde avait été atteint. Le sergent Bodin, qui était le chef de bord, avait une grave blessure à l'épaule et se trouvait dans le coma, les autres étaient blessés aux jambes. J'ai balancé tout mon sac de grenades, mais j'ai été touché à nouveau au bras droit. Je ne pouvais plus lancer de projectiles. »

Séjour à l'hôpital

« (...) Je rencontrai un Arabe, je lui parlai et il me dit : "J'ai été déblayer Noisy-le-Sec. De la gare à l'église, il n'y a plus rien, après ça va mieux." Je supposai que la maison de mes parents était toujours là. J'avais lu cette information sur un journal anglais, avant le débarquement. Ce journal indiquait que des bombardements sérieux avaient eu lieu sur Noisy, je n'en savais pas davantage.

Au préalable, je dois dire que, en dehors du camarade que j'avais rencontré au Maroc pendant mes années de voyage, au camp, j'avais reçu une lettre d'un prisonnier qui était sorti de Miranda avant moi. Par la Croix-Rouge, mes parents avaient su que j'étais arrivé en Espagne. Vous voyez comment l'information fonctionne en temps de guerre.

Ainsi, j'ai été redirigé vers l'Angleterre. Il était indiqué sur ma feuille de route : "Cas grave, peut voyager assis". (...)
Je me suis retrouvé avec plus de deux mille blessés américains et quelques Français.

Bien entendu, cela ne faisait pas mon affaire, car j'avais entendu par la radio la Libération de Paris. En tant que Parisien, j'aurais bien aimé y participer. Il n'y avait pas une goutte d'alcool et les Américains nous avaient pris nos vêtements.
Le jour de la Libération de Paris, je suis sorti, avec mes camarades, en souplesse et en robe de chambre, avec un bras en bandoulière dans le plâtre et un bandeau sur la tête, en passant devant le poste de garde.

Nous avons fait ouvrir le premier "pub" que nous avons rencontré, en plein après-midi, bien que ce ne soit pas l'heure légale pour les Anglais, et nous avons bu tout ce que nous avons voulu. Puis, nous sommes retournés à l'hôpital.

Hitler faisait descendre de Calais la 47e division d'infanterie. Mais elle fut arrêtée après de durs combats, fin août, au Bourget et autres villes de la banlieue Nord-Est, par des unités de la 2e DB. Mon unité y était, sans moi, puisque j'étais blessé, donc absent. Mon successeur à la mitrailleuse de 12.7 fut tué sur le champ d'aviation du Bourget. Ce n'était qu'à 5 kilomètres de chez moi à Noisy-le-Sec. Si le sort avait été différent, je n'aurais pas bouclé mon circuit... »

Jean-Marie s'échappe de l'hôpital et rentre en France rejoindre la 2e DB en Lorraine, au 1er régiment de marche du Tchad.

« La guerre n'était pas terminée, et, tenir la position sur la Vezouse, au nord-est de Lunéville en octobre-novembre 44, fut parmi les moments les plus pénibles.
Au moins une nuit sur trois, nous partions en patrouille pour nous infiltrer dans les lignes allemandes, à sept, après avoir laissé nos papiers pour ne pas dévoiler les intentions du commandement en cas de capture. Nous marchions à la boussole. Nous partions parés des paroles rituelles de l'officier : "Simon, éclaireur de pointe". Au cours de ces patrouilles, nous posions des mines sur les routes. Nous avions un chargement de mines et il nous fallait traverser nos propres champs de mines. C'était assez délicat.

Nous avons touché des renforts, des jeunes de mon âge. Le coin était très mauvais, ça canardait tellement que j'ai vu l'un des jeunes devenir fou. Nous étions décimés. La nuit, par manque cruel d'effectifs, nous montions la garde quatre heures de suite sur les contours du village. Nous étions entourés de fil de fer barbelé avec des boîtes de métal suspendues. Il pleuvait, il neigeait. Il y avait du brouillard. C'était dur !... Enfin, cela forme le caractère. J'ai ramené dans mes bras le corps du lieutenant Morel, notre chef de section, un chic type, ancien du Tchad, tué tout près de moi, en sautant sur une mine. Puis, nous avons attaqué après avoir touché quelques renforts. »

La 2e DB a pu se remettre en marche en direction de Strasbourg.

« Puis, nous avons progressé à travers champs, mais voilà que ma blessure du cou s'est réveillée et je ratai l'entrée à Strasbourg. J'avais déjà raté l'entrée à Paris !
La blessure a été soignée très rapidement et j'ai pu reprendre du service. Je m'offris tous les petits pays au sud de Strasbourg aux noms très difficiles à prononcer.
Au cours d'une mission de nuit, un obus éclata, me précipitant trop brutalement dans ma jeep et je me suis blessé sérieusement au genou. J'ai refusé de me faire évacuer et ce furent mes camarades qui me soignèrent. C'était le jour de Noël 1944, et nous n'avions même pas une goutte de "pinard".
Ma blessure m'empêchait de marcher et j'ai été évacué vers un hôpital américain à Mutzig. Tout de suite, je disparus.
Lorsqu'ils passèrent l'appel à huit heures du matin, mon lit était vide, j'étais déjà loin. (...) »

Fin de la guerre

« Après la démobilisation, j'ai cherché du travail, j'en ai trouvé tout de suite ; je me suis réadapté.
C'est la suite de l'histoire de France de Michelet "Faire du peuple l'acteur principal", en substituant à l'histoire des grands, l'histoire d'un petit qui n'était ni droit commun ni recherché pour raison raciale, et qui n'avait nulle obligation de faire ce qu'il a accompli. J'avais fait un choix, un acte volontaire en conscience "Servir ma Patrie". J'avais pris une décision, celle de rejoindre, pour le combat, une unité des Forces françaises libres pour libérer notre pays occupé, et, pour cela, la ferme conviction d'arriver à Londres, car j'avais foi en la Victoire. »

Extraits des souvenirs de Jean-Marie Simon, décédé en 1998.

Laurent Laloup le jeudi 14 décembre 2006

Contribution au livre ouvert de Jean Marie Joseph Simon

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