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La Combattante Extrait de : 
Le Tréportais, Marcel Mulard, est dans sa 24e année et sert sur le navire en tant que timonier. Engagé volontaire en 1938, il désertera l’armée de Vichy lors d’une affectation dans les Antilles avec comme objectif de rejoindre les Forces Françaises Libres en Angleterre. Le voyage sera long et sinueux, la bataille de l’Atlantique fait rage mais au final il intègre, comme il le souhaitait, les “rebelles”. Après une formation à Skeegnesse, pour se familiariser avec le code maritime d’Outre-Manche, il embarque en juin 1943 sur la Combattante. Les missions du torpilleur, “un remarquable bâtiment de combat”, comme le souligne l’amiral Jacques Zang qui y officiait, “à l’aise dans des mers étroites comme la Manche et la partie sud de la Mer du Nord”. La période de pré-débarquement est d’une intense activité: “il fallait interdire à la marine allemande de s’approcher des côtes britanniques où s’accumulaient les tonnes de matériel en vue du débarquement”, confiait Marcel Mulard, à l’occasion du 50e anniversaire du débarquement.
La veille du Jour-J, le capitaine de corvette Patou annonce à son équipage ”Cette fois c’est la bonne. Demain matin, nous débarquons sur les côtes de la France... Soyez fiers, le seul bâtiment français faisant partie des opérations rapprochées est le nôtre. Nous serons les premiers à faire flotter le pavillon à croix de Lorraine, à toucher nos côtes”. Le commandant de la Combattante ne savait pas si bien dire. L’amiral Jacques Zang raconte ainsi “avant de mouiller la première fois, la Combattante s’était un peu trop approchée de la côte et avait touché le plateau sous-marin du Calvados”. Cet incident lui avait valu du navire britannique voisin, le Vénus, le message en morse lumineux: “Je suis heureux que ce soit un Français qui ait le premier touché le sol de France”!
Le chef de la France Libre à bord
Au matin du 14 juin, de retour de patrouille dans le port de Portsmouth, l’équipage de la Combattante voit arriver un défilé de véhicules officiels. Sort de l’un d’eux, un personnage de grande taille à la tête couverte d’un képi. Tous reconnaissent le général De Gaulle, premier des rebelles et récemment devenu le président du gouvernement provisoire. “Votre bateau est désormais un bateau historique; vous entrez dans l’Histoire avec lui”, annonçait-il à l’équipage en face de Courseulles-sur-Mer, où il débarquait pour sa première visite en France.
Bateau historique, la Combattante n’en était pas pour autant invulnérable. Dans la nuit du 23 février 1945, au large de Grimsby (Nord-est de la Grande Bretagne), le destroyer est victime d’une violente explosion qui le coupe en deux. La cause du sinistre est une mine que le navire n’a pu éviter. 67 hommes, dont deux britanniques, disparaissent. Grizel, Mounier, Omnis, Ibanez, Huguet, Laville, Legars, Meudes, Jousseaume, Richard... et les autres n’auront pas la chance d’assister à la reconstruction de la France, après avoir activement participé à sa libération. Marcel Virmontois, Jean Bourlès et Marcel Mulard s’en sortent heureusement indemnes, comme 116 autres marins.
Aujourd’hui seule une vingtaine de membres de l’équipage sont encore vivants. A 84 ans, Marcel Mulard regardent les cérémonies du 60e anniversaire du Débarquement de loin et un peu amer. “C’est du passé, il n’y a plus rien à dire. Cela fait soixante ans... Jusque là nous n’avons fait que de la figuration lors des cérémonies commémoratives”, confie-t-il. D’autres, comme l’amiral Jacques Zang, continuent à témoigner pour que vive la mémoire de ce destroyer qui fit la fierté des Forces Navales Françaises Libres. Laurent Laloup le jeudi 14 décembre 2006 Contribution au livre ouvert de Marcel Louis Athanase Mulard | |