Texte de Raphaël Folliot
Le 24ème Régiment d'Infanterie Coloniale stationnait à Tripoli du Liban depuis septembre 1939. Seule unité métropolitaine blanche du Levant. Elle comprenait 90 % de soldats de métier. 10 % de réservistes ou du contingent.
Elle était commandée par le Colonel Fonferrier qui en fit un régiment d'Elite. La garnison britannique de Chypre étant trop peu nombreuse, le Général Wavell, Commandant en Chef des Troupes Alliées au Moyen Orient, demanda au Général Mittelhauser, Commandant au Levant, l'envoi d'un bataillon français à Chypre.
En effet, l'Italie qui avait attaqué la France le 10 juin 1940, possédait dans le Dodécanèse, des terrains d'aviation d'où des avions de bombardement pouvait attaquer Chypre et les côtes du Levant.
Le 15 juin 1940, le 3ème Bataillon du 24ème R.I.C. quittait Tripoli et via Beyrouth arrivait à Famagousta le 17 juin, prenant garnison a Famagousta, Larnaka, Limasol, secteur sud de l'île, la garnison britannique tenant le Nord et le Nord Ouest de Chypre.
Depuis le 22 juin, craignant les bombardements italiens par avion, le régiment se dispersait dans la nature, sous les oliviers a 4 km dans l'Est de Tripoli, laissant seulement dans les casernes toutes les installations de transmission radio. Le personnel de ce service n'avait pas autorisation de quitter les casernes, de ce fait, la troupe n'avait aucune nouvelle de ce qui se passait en France.
Une compagnie de sécurité stationnait dans la ville de Tripoli, aux écoles italiennes. Le 25 juin ma compagnie, c'est-à-dire la 31ème compagnie du 24ème R.I.C. était en stationnement dans cette ville.
Le 27 juin, un de mes Adjudants assurant une permanence au bureau de la place de Tripoli, me transmit un télégramme ouvert de l'Etat Major de Beyrouth, annonçant l'armistice.
Il était 16 heures 30 le 27 juin.
Ne mettant pas cinq minutes à réfléchir, sachant qu'Angleterre et France avaient décidé au cours des premiers mois de la guerre de s'interdire de conclure un armistice séparé, je rassemblais ma compagnie et lui annonçais que je continuais le combat et partais en Palestine rejoindre l'Armée Britannique. Je ne pensais ni à ma famille restée en France, ni à la suppression possible de la retraite.
Sur-le-champ, toute la compagnie décida de me suivre.
Seule recommandation à ma troupe : le silence absolu a ce sujet et pour plus de précaution, interdiction de quitter le cantonnement.
Néanmoins, le Sous-Lieutenant de Labordes de la 1ère compagnie du 24ème R.I.C. étant en ville en mission et apprenant que nous partions en Palestine, vint me trouver me demandant de se joindre à nous.
Chaque compagnie du Régiment ne possédant qu'un camion pour tout moyen de transport, je l'engageais à remettre de faux ordres de mission à quatre chauffeurs avec leur camion, à effectuer le plein et embarquer un fût de 200 litres d'essence. Rendez-vous fut pris à ma compagnie à 22 heures 50 précises.
Pendant ce temps, dans le cadre de mon Unité, le Sergent-Chef Clochard prenait tous les livrets matricules de la troupe et préparait un ordre de mission me désignant pour me rendre à Nakoura (Liban) avec ma compagnie. Pas de bagages et le plein d'armes et munitions.
Sur la demande de mes hommes je me rendis auprès du Colonel Fonferrier vers 19 heures. Le voyant rentrer d'une conférence à la division, je jugeais n'avoir pas à le mettre au courant de notre départ.
Embarquement dans les cinq camions en cinq minutes et nous quittions Tripoli à 23 heures, nous avions à effectuer de Tripoli à Nakoura par Beyrouth environ 180 km et ce avec des chauffeurs qui avaient rarement conduit la nuit.
Mon unité comprenait :
2 Sous-Lieutenants : Roux de ma compagnie, rentré depuis peu en France pour maladie, de Labordes de la 1ère compagnie avec quelques hommes.
23 Sous-Officiers de carrière et 100 Caporaux et Hommes également pour la plupart des engagés.
A peine venions-nous de quitter Tripoli et à moins d'un km de cette ville, nous fûmes arrêtés par une patrouille de gendarmes. J'avais pris la précaution de me placer près du chauffeur. La 1ere voiture du convoi (Sergent Harant), présenta mon ordre de mission et nous continuâmes. Nous rencontrâmes une patrouille de police vers le Narh el Kelb avant Beyrouth, sans nous faire arrêter. Nous arrivions vers 2 heures du matin à Beyrouth et continuions vers Saïda.
Entre ces deux villes un léger arrêt de cinq minutes me permit de désigner un Sous-Officier chargé de couper tout le réseau téléphonique, opération répétée entre Saïda et Tyr. Arrivée à Saïda à 4 heures. Là, de nombreux soldats stationnent en bordure de la route (puisqu'il fait presque jour à cette époque 28 juin) s'affairant auprès des chevaux.
Arrivée à Tyr à 5 heures et 100 mètres après cette ville arrêt de 30 minutes. Pendant que je chargeais de Labordes d'effectuer la répartition de 200 litres d'essence de réserve je m'éloignais de 50 mètres et parlais à deux gendarmes libanais puis, avec de Labordes, nous les désarmions les faisant monter dans le dernier camion. Même opération avec un paysan muni d'une bicyclette. 5 km plus loin, le paysan libéré, opération pour la troisième fois pour les 16 fils téléphoniques, arrêt pour libérer quelques km plus loin les deux gendarmes libanais en leur rendant leurs revolvers vides. A cet arrêt, je prévins la troupe de notre arrivée prochaine à Nakoura (frontière côté Liban) seuls les Sous-Officiers descendraient avec les Officiers, grenades bien en vue au ceinturon.
A Nakoura (Liban), trois gendarmes français nous voyant armés n'insistèrent pas et nous continuâmes notre route sur Nakoura (Palestine).
Entre Nakoura (Liban) et Nakoura (Palestine) nous croisons plusieurs voitures britanniques d'officiers d'Etat-Major, sans doute très Inquiets de ne pouvoir communiquer avec Beyrouth Nous avions coupé les fils téléphoniques.
A Nakoura (Palestine) un jeune lieutenant anglais me demanda quel était notre effectif. Je le lui fis savoir, puis il me dit :
"J'étais certain que des français viendraient, mais je ne pensais pas que ce serait aussi rapidement".
Deux motocyclistes britanniques nous conduisirent à 10km de là à Es Sumeiriya, dans un vaste champ en bordure d'un aqueduc. Aussitôt débarqués, je faisais former les faisceaux enchaînés et les caisses de munitions, tout cet armement à 100 mètres de nous, sans sentinelle, ceci afin de tranquilliser les Anglais.
Une demi-heure après notre arrivée nous prenions sur le terrain un breakfast et les tentes nous étaient remises. Je me présentai au lieutenant colonel britannique qui me fit monter dans une voiture militaire à destination de Jérusalem au King David hôtel où se trouvait le grand Etat-Major en Palestine. Après une demi-heure de conversation je revins le même jour au camp de Sumeiriya.
Pendant mon absence quelques compagnies de l'Armée Polonaise, en provenance du Liban, s'étaient installées en bordure de l'aqueduc. A une autre extrémité du camp dans un coin, une vingtaine de fortes têtes espagnoles du 6ème régiment de la Légion du Levant.
Une surprise m'attendait, mon sergent-fourrier qui était également mon chauffeur était reparti sur Beyrouth, il s'agit de Bernard Harent . En effet, le lendemain il rentrait de Beyrouth. Surpris à Tripoli par notre colonel, commandant le 24ème R.I.C. qui lui dit :
"Harent vous allez rentrer en Palestine et inviter Folliot et ses hommes à revenir".
Harent répond : "Mon colonel il me faut une voiture"
Le colonel reprit : "Non, il y a déjà trop de camions partis, allez au camp Legoult (caserne) vous vous ferez remettre une moto avec ce papier".
Harent arrive à la caserne, voit quelques camarades qui poussent doucement une camionnette, passent par les écuries avec une dizaine d'hommes, et lui-même part en moto par la grand-porte !
Le lendemain vers Tyr, Harent fait charger la moto dans la camionnette bâchée, traverse tranquillement la frontière : les gendarmes avaient été avisés d'avoir a arrêter une moto.
Harent, après avoir fait la première campagne de Libye, devenait parachutiste, et fut tué à Saint Marcel en Bretagne le 6 juin 1944.
Le 29 juin 40 , Repiton-Preneuf nous rejoignait et Madame Repiton pendant plus d'une semaine se rendit chaque jour à Beyrouth.
Dès le 28 juin et pendant plusieurs jours, la Radio-Beyrouth annonça qu'une compagnie du 24ème R.I.C. cherchait à passer en Palestine, qu'Anglais et Français bombardaient cette Unité dans les barbelés séparant la frontière.
Cette émission allait à l'encontre du but recherché par les Autorités françaises, elle fit réfléchir bien des militaires qui, petit à petit, vinrent se joindre à nous.
C'est ainsi que le lieutenant Clerc des chars de Homs arriva avec quelques hommes, surtout des chauffeurs nous amenant une 6 roues Laffly, un gros Bull~Dog Renault et des camions.
Par ce même convoi arrivèrent également le lieutenant Guepin, chasseur alpin, chargé de la sécurité du camp d'aviation de Rayak et le médecin lieutenant Brunel du Levant.
Le 1er ou 2 juillet arrivait le capitaine Jourdier du 1er Spahis Marocain suivi de son escadron, trompettes en tête. Ils étaient passés par Rosh Pinna et Tibériade.
Dès le prêt perçu du 30 juin, nous arrivaient :
Le sergent Pillard d'alep (Syrie)
Le sergent Zirnheld de Beyrouth (Liban)
Le 2 juillet, de la région de Tripoli nous arrivaient : Heitmann, Schoenlen, Brusson et un autre, chaque jour par divers moyens quelques caporaux et soldats de toutes Armes se joignirent à nous. Puis des légionnaires dont DIAZ avec quelques camarades arrivèrent avec une blindée légère, en ayant perdu une autre, poursuivis par leur capitaine, sans résultat.
Au camp de nombreux hommes étaient piqués par des scorpions, par là immobilisés pendant deux à trois jours pour fièvre.
Les chauffeurs des quatre camions requis par le sous-lieutenant de Laborde le 27 juin à notre Régiment avec de faux ordres de mission et qui n'étaient pas de ma Compagnie, ayant été induits en erreur, me demandèrent de retourner au 24ème R.I.C. au Liban.
Je les accompagnai à 100 mètres de la frontière libanaise et par la suite j'appris qu'à leur retour au Régiment ils avalent effectué une forte propagande en notre faveur.
Au 24ème R.I.C. jusqu'à notre départ vers la Palestine le 27 juin nous n'avions pas entendu l'appel du Général de Gaulle, la radio au Régiment nous avait été supprimée, ce n'est que vers le 5 juillet que nous l'apprîmes. Par ailleurs, après l'affaire de Mers el Kébir, le sous-lieutenant Roux, en mauvais état de santé, demanda aux autorités britanniques à rentrer au Liban, ce qui lui fut accordé immédiatement.
Pendant la période du 28 juin au 14 juillet, les effectifs ne firent qu'augmenter pour parvenir à près de 250 hommes.
Vers le 6 ou 7 juillet, nous fûmes inspectés par le colonel de Larminat, d'ailleurs très rapidement. Il venait de s'évader des arrêts de forteresse à Damas.
Notre séjour à ce camp de Sumeirya consistait à prendre des bains de mer a Nahariya, à être reçus par les Régiments de Cavalerie anglais, a visiter Saint Jean d'Acre et le port d'Haïfa.
Le 14 juillet eut lieu la revue du contingent français.
Le 18 juillet, embarquement à Haïfa en chemin de fer pour 1smaïlia sur le canal de Suez.
A Ismaïlia, agréable surprise ! Après avoir été dirigés sur le camp de Moascar, nous trouvâmes une colonie française très importante, travaillant au canal. Immédiatement nous étions adoptés par les familles de pilotes et administratifs de cette compagnie, qui recevaient Officiers, Sous-Officiers et Soldats indifféremment.
L'accueil des colonies françaises et étrangères fut surprenant, que ce soit par les familles Campagne, Nicolas, Harent, Calas, Hermann et bien d'autres dont actuellement je ne me souviens plus. Chez le pilote Langlois et les pilotes yougoslaves à Ismaïlia, Lafaille à Suez, d'autres à Port Saïd dont Siberchicot, partout l'accueil fut très cordial.
Bien des français me faisaient part de leur agréable surprise de trouver mes hommes, affables, dignes, et tous reprenaient espoir après l'abattement consécutif à l'armistice en France.
Les autorités britanniques avaient eu l'intelligence de nous ravi tailler convenablement et de nous laisser au repos.
La mère supérieure Morin et ses soeurs avec l'aide très large de la colonie française créaient dès le lendemain de notre arrivée à Ismaïlia un "Foyer", qui dès le début mit du baume au coeur. Nos hommes qui se conduisaient très bien y trouvaient un réel réconfort. Nous avions et avons continué à avoir une grande gratitude envers ces Religieuses et cette colonie française.
Des personnes du canal s'engagèrent chez nous, trois Consuls de France en pays nordiques nous arrivèrent par la Russie, Messieurs Coulet, Gilbert, Filliol. Tous trois après 1945 devinrent Ambassadeurs de France. Monsieur Schmitlen arriva de Riga.
Le Lieutenant Colonel des Essarts, de la mission militaire française au Caire, devenait notre Chef.
Pour ma part, j'ai dû me rendre à plusieurs reprises à l'Ambassade de Grande-Bretagne au Caire où Sir Lampson, Ambassadeur avait délégué Mr. R. Wright, 1er Conseiller qui faisait établir nos actes d'engagement dans les Forces Françaises Libres du Général de Gaulle à compter du 1er juillet 1940.
Au cours des quelques visites que j'eus à effectuer auprès de Mr. Wright je fus cordialement reçu. Je tiens à rendre hommage à ce dernier pour l'accueil et la rapidité d'exécution dans la délivrance de nos papiers.
Le 25 juillet, nous eûmes la joie d'accueillir à la gare du camp de Moascar le Capitaine Lorotte rallié le 11 juillet à Chypre avec 350 Officiers, Sous-Officiers et Soldats, de sorte qu'avec cette arrivée l'effectif put former un bataillon. Plus ancien dans le grade de Capitaine, il en prenait le commandement.
Le bataillon prit nom de 1er Bataillon d'Infanterie de Marine (B.I.M.)
Vers la fin du mois de juillet 1941, nous recevions la visite du Commandant Bertrand, chef du 2ème bureau des troupes du Levant, de Beyrouth. Il tentât vainement de nous débaucher et nous faire rejoindre le Liban Il était d'autant plus vexé qu'un de ses Officiers, le Lieutenant Savey (dominicain) venait de nous rejoindre.
Il est à signaler qu'à l'Etat Major du Bataillon de Chypre, le Sous-Lieutenant Jacquin, Officier des Transmissions et du Chiffre, était plus spécialement détaché auprès du Lieutenant Colonel La Villeleon, Chef du Q.G. avancé de l'éventuel Corps Expéditionnaire d'Orient en vue dune future campagne dans les Balkans.
Le Capitaine Lorotte, Commandant le B.I.M. avait un travail particulièrement ingrat, celui d'obtenir du matériel auto-radio, d'armement des Autorités Britanniques, qui elles mêmes n'en possédaient pas beaucoup pour équiper leurs propres troupes.
Il était entendu dès l'arrivée du Capitaine Lorotte, que la première Compagnie ralliée serait la première à partir en opération.
En conséquence, tout le matériel auto français dont nous disposions servirait à former les chauffeurs dont nous avions le plus besoin. Le Lieutenant Clerc mon adjoint, venant des Chars, ayant plus de connaissances prit en mains l'instruction des chauffeurs.
La première Compagnie du B.I.M. était ainsi composée
Commandant de Compagnie Capitaine Folliot du 24èn~e R.I.C.
Adjoint Lieutenant Clerc des Chars
1ère Section Lieutenant Guepin Alpin
2ème Section Lieutenant Barberot Marine
3ème Section Adjudant Behelo du 24ème R.I.C.
4ème Section S/Lieutenant de Laborde du 24ème R.I.C.
Avec un imposant encadrement de Sous-Officiers (23).
Quelques rares soldats, très jeunes, du Contingent et surtout des Caporaux chefs, Caporaux et Soldats engagés ou réengagés, de métier.
Du 26 juillet au 24 août le Bataillon se constituait et des renforts venant du Levant par divers moyens, barques, taxis, etc... et en provenance du Canal, étoffaient le Bataillon. Nous reçûmes des Légionnaires, des Aviateurs, des Marins.
Travail intense de conduite auto, connaissance de l'armement anglais.
Le 13 août 1940, nous reçûmes le Capitaine Mervyn Phipps comme Officier de Liaison. Il est né à Parts, fils de Sir Eric PHIPPS Ambassadeur de Grande Bretagne à Berlin puis à Paris où il était en fonction déjà avant 1939.
Le Capitaine Phipps, Cavalier, donc habitué aux reconnaissances, était d'un grand secours auprès du Capitaine Lorotte pour toutes les interventions à effectuer tant auprès de l'Etat-Major anglais que dans les divers Services britanniques.
L'entente fut absolument parfaite avec le Capitaine Phipps qui a su nous comprendre dès le début, au moment de notre instruction et pendant les neuf mois de combats au Désert.
Le Capitaine Phipps provenait du 7th Queen's Own Hussards.
Quelques jours avant le 25 août 1940. le bataillon fut informé qu'à l'occasion de la remise du Drapeau français, il serait inspecté par l'Ambassadeur de Grande Bretagne et par le Général Wavell, commandant en chef au Moyen Orient.
Une grande effervescence régnait parmi les divers comités de la France Libre d'Egypte, c'était à qui broderait un fanion pour chacune des sections du bataillon.
Le 25 août débuta par une surprise de taille, trois Sous-Officiers méharistes d'une compagnie saharienne nous rejoignirent après quelques milliers de kilomètres dans le Désert en provenance du Tibesti.
En fin de matinée, une chapelle fut dressée par nos soins au camp de Moascar. La messe fut servie par notre Aumônier le Révérend Père Finet , Jésuite dans la Bekka au Liban. Il sera un des rares de cette Congrégation, le plus grand nombre provenant des Dominicains, jusque et y compris le Révérend Père Florent, Curé de Saint-Louis de Leningrad.
Ce fut la bénédiction des fanions qui avaient été confectionnés à Port-Saïd, Ismaïlia, Suez, Alexandrie et par les Soeurs du Foyer d'Ismaïlia. Pendant que le Premier Bataillon d'Infanterie de Marine (B.I.M.) se massait pour la revue et le défilé, le Baron de Benoist, représentant la Compagnie du canal de Suez et Président du Comité National de la France Libre en Egypte, recevait à l'entrée S.E. Sir Lampson, Ambassadeur de Grande-Bretagne, les Généraux Wavell et Wilson, l'Amiral Cunningham commandant la Flotte britannique en Egypte. Escortés par le Capitaine Jourdier et son escadron de Spahis marocains, en provenance du Levant, les Autorités britanniques et le Baron de Benoist s'inclinaient et déposaient des gerbes sur la tombe du Sergent Bonnet, notre premier mort.
Ces personnalités rentrant du cimetière se présentaient au champ de manoeuvre situé à côté.
Le Baron de Benoist, puis Sir Lampson prononcèrent une allocution, puis le Drapeau français fut remis par le Capitaine Lorotte commandant le bataillon à sa garde d'honneur.
Cette remise du Drapeau français fut confiée au Sous-Lieutenant Gourvez, Chevalier de la Légion d'Honneur, Médaillé Militaire de 1914-1918, qui vint se placer auprès de la garde d'honneur de l'Union Jack, emblème offert au bataillon par les Officiers britanniques de la garnison de Chypre.
C'est ainsi que le B.I.M. a été la seule Unité de l'Armée française à posséder deux Drapeaux.
C'est en présence d'une très grande affluence de français d'Egypte, ainsi que des troupes britanniques comprenant :
Un bataillon du Hampshire Regiment
D'un important détachement de Troupes australiennes et la musique du York and Lancaster Regiment que la revue fut passée par le Général en Chef Wavell et suivie d'un défilé.
Revue absolument impeccable qui remonta le moral des Civils français, puis le Baron de Benoist reçut toutes les personnalités britanniques, égyptiennes et françaises dans une très belle propriété, dans une île appartenant au Canal.
Vers le 29 juillet 1940, par radio nous apprîmes qu'enfin toute l'A.E.F., sauf le Gabon, se ralliait au Général de Gaulle les 26, 27 et 28 août.
Pour nous autres, les premiers ralliés, ce fut une joie débordante de ne pas nous trouver isolés.
Entre le 26 août et le 5 septembre, intensification de la conduite auto, réception de tout l'équipement destiné à la Première compagnie du B.I.M. en vue d'un prochain départ au combat.
Le 1er septembre, inspection du bataillon par le Général Wilson, puis manoeuvre dans le désert sous sa direction.
La 1ère compagnie partant à la frontière Egypto-Lybienne le 6 septembre au matin, la veille, le Lieutenant Colonel Salsbury de l'Etat-Major du Général Wavell nous réunit le soir avant de partir lui-même pour l'Afrique du Sud, pour nous souhaiter dans un pur français un bon combat et un au revoir.
Personnellement, j'ai revu cet Officier fin 1947 ou au début de 48 a l'Ambassade de Grande-Bretagne à Paris, où, Général de Brigade et Attaché Militaire il assistait à la remise par S.E. l'Ambassadeur de la Croix de la D.S.O. (Distinguished Service Order) qui m'était accordée fin janvier 1941 a la suite de la prise de Tobrouk.