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A MON PERE Né vers 1909 à Lama-Lama, Bongor, au Tchad de Salianga Gala-Gala et de Matsam d'où le prénom MATI ou MADI. Quitte ses parents après la vingtaine pour découvrir le Cameroun tout proche passant par Yagoua, pays Massa, son groupe linguistique à douze kilomètres de son Bongor natal (la frontière était passée par là) puis Garoua et Gaoundéré à des centaines de kilomètres plus au sud. En 1940, il faut libérer la France, il est engagé et affecté dans l'armée de terre 1er DFL/BM14, à partir de Gaoundéré. La guerre est fini, retour au bercail. D'abord à Yagoua puis à Bongor, il parle peul (passage nord camerounais oblige) et bien sûr français au point d'être appelé comme interprète auprès de l'administration coloniale. Satisfaisant dans son travail d'interprète, il devient le chef du canton de Bongor. Ce qui lui a valu beaucoup de rivalité car les Poidina, sa subdivision massa, n'est pas de Bongor mais viendrait du côté camerounais, rive gauche du poissonneux Logone, notamment Bougoudoum. Le désormais chef de canton confirmé regarde plus haut et fait parti du comité directeur de l'UDT, crée par ROGUE, parti gaulliste du territoire du Tchad concurrent du PPT. Il est alors conseiller territorial. Lorsque l'UDT connut sa division en UDIT d'une part et AST de l'autre, il choisit le député René MALBRANT et l'AST qui finira par envoyer au Palais bourbon son représentant EL GONI, premier sur la liste et lui deuxième, suppléant.
Arrive la loi cadre et les choses changent.
La loi cadre donna des idées aux politiques de la place avec l'institution dans chaque territoire d'un conseil de gouvernement chargé des services territoriaux. Sous l'impulsion de Gabriel Lisette, alors maire de Fort- Lamy, l'idée d'une entente fait son chemin. EALC (Entente pour l'Application de la Loi Cadre) qui rassembla une coalition de partis dont une dissidence de l'AST de Malbrant. Avec l'entente, il se présente aux élections de mars 1957. Conseiller sortant, il est réélu. Fini l'AST.
L'invalidation au Chari-Baguirmi des élections pour irrégularité dans la distribution des cartes d'électeurs, provoqua en juin de nouvelles élections dans la circonscription. Même si l'entente sort en tête, elle perd quelques voix. Des nouveaux conseillers feront leur entrée dans l'assemblée. Des revendications apparaissent, notamment la modification des commissions pour permettre aux entrants de faire leur place. L'agitation à l'assemblée donna lieu à la formation de sous-groupe politiques dont le GIRT (Groupement des Indépendants et Ruraux Tchadiens) composé entre autre de chefs de canton et bien sûr TORDINA. Le GIRT toujours partisan de l'entente, lors du referendum du 28 septembre 1958, fit campagne pour le oui. Le chef de canton de Bongor et conseiller territorial y contribua largement. Dans le district de Bongor, 506 non sur 37750. La conséquence de ce referendum visait de maintenir le Tchad dans la communauté française.
La vie ne s'arrête pas là, car l'indépendance du Tchad arrive 2 ans plu-tard. L'agitation qui s'en est suivie provoqua une cassure dans sa carrière politique. Au tchad, désormais c'est le parti unique qui règne. L'heure au règlement des comptes. Ainsi, il est demis de ses fonctions de chef de canton faute de n'avoir pu s'imposer auprès du président de la jeune république. Les comploteurs étaient nombreux et l'attendaient fermement, lui rappelant comment la chefferie lui avait été parachutée. Il n'y a plus d'assemblée territoriale. La cour du chef est désertée, les griots sont de l'autre côté.
Seul, face à la vie et une famille nombreuse taillée à l'image d'un grand chef de canton. Seul revenu, sa pension de la BM14. En disgrâce, les chefs de village se sont détournés avec ses acquis en nature qui leur ont été confiés. Moi même, suis né dans cette galère.
Le sourire revient lorsqu'en 1965, le président de la république, de passage à Bongor se souvint de celui qu'il désigna "mon ami Tordina, faites le venir" Il y eu un entretien et de cet entretien, peut-être la réhabilitation ?
Quelques jours passés,une ultime convocation à la préfecture, il est de nouveau chef de canton de Bongor.
Je n'ai jamais vu, aussi, propreté devant la concession du père. Dans un nuage de poussières, à coups de balaies, les débris s'envolèrent, même ceux qui m'étaient devenus familiers et qui me servaient de jeux.
Je n'ai jamais vu, aussi, foule devant chez nous. C'était la cour du chef !
Je n'ai jamais entendu, aussi, bruits chez nous. C'étaient les griots, les mêmes, ils sont revenus !
Depuis ce jour, j'ai toujours été bercé les jeudis soirs et vendredis matins par ces sons de tambours concoctés par l'orchestre du chef de canton de Bongor.
Une fin à tout, longtemps épuisé à 82 ans, il s'est mis à suffoquer. Transporté d'urgence par hélicoptère de l'armée française stationnée au Tchad -jouant ainsi son rôle humanitaire- il est conduit à Ndjaména, lui dirait Fort-Lamy, pour des soins sans succès. Nous sommes le 12 aout 1991.
A l'annonce de sa disparition, une foule immense s'est réunie spontanément devant sa maison, attendant le corps qui lui est parvenu le lendemain dans un long cortège de véhicules.
Il est inhumé dans la foulée dans l'arrière cour (tradition oblige) entre deux averses particulièrement violentes. C'est le ciel qui lui tire sa révérence, à sa façon, dit l'assistance. Adoum TORDINA le samedi 14 janvier 2012 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |