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HISTOIRE MERVEILLEUSE DU PONT DE SOUPPES. 1942-1944. PAR M. ESNAULT : PAUL ROLLIN (16 septembre 1923 -12 juin 1944)
Par Michel BALLOT
Le 16 septembre 1923, Paul naît à Souppes. Il ira bien entendu à l'école de Souppes et sera un élève d'Emile Chevallier. Puis il fera son apprentissage comme préparateur en pharmacie chez M. Lecoq.
Qui ne se souvient de ce beau jeune homme au sourire perpétuel, de cet excellent camarade qui ne connut que des amis ?
En 1940, il décide de s'engager dans l'Armée Française, malgré son jeune âge. La débâcle et l'exode viennent mettre obstacle à ses projets.
En 1942, il signe un engagement dans l'armée d'Armistice avec la ferme intention de rejoindre l'armée du Général de Gaulle.
Avant de quitter Souppes pour Auch le 12 novembre 1942, il tracera ce «Vive la France libre » sur un mur de la rue Voltaire - inscription qui se voit aujourd'hui encore sous les peintures et crépis plus de 50 ans après. Il comprend de suite que cette armée d'armistice sera de fait sous domination allemande. Il rejoint Marseille le 1er décembre 1942 avec pour objectif de passer en Angleterre par l'Espagne.
Il revient par Narbonne, Perpignan, Amélie-les-Bains, Arles et Saint-Laurent de Cerdans où il est hébergé chez les parents de Lucien Bosch pour quelques jours. Sans cesse, il a dû déjouer les contrôles d'identité. Il franchit les Pyrénées avec un passeur au col de la Muga.
Il est arrêté peu après en Espagne à Tortelle, puis interné à la prison de Gerone le 18 décembre 1942. Il ne sera libéré que le 27 février 1943. Les conditions de détention qu'il raconte dans ses cahiers sont dures : manque de nourriture et d'hygiène, mauvais traitement, promiscuité. Il se fera depuis le début passer pour être de nationalité canadienne.
Libéré, il rejoint Barcelone, Madrid et enfin Gibraltar, le 7 avril 1943. Il demande immédiatement à servir dans les «commandos», unités les plus exposées.
Le 20 avril 1943, il embarque sur le «stirling castle», un important convoi maritime anglais est formé.
Le 25 avril est un dimanche. Il va à la messe sur le bateau comme il l'a été à terre et en prison tous les dimanches matins ainsi qu'il l'a écrit dans ses cahiers d'Espagne : «Dimanche 25 avril, ce matin, je vais à la messe à bord. Aujourd'hui nous partons pour le but de notre voyage ... Voici la nuit qui s'approche lentement et chaque minute qui s'écoule nous approche de notre départ. Enfin, à II h, l'ancre est levée et voici l'énorme masse du navire qui s'ébranle et nous emporte vers la liberté... ou la mort. »
Il s'agit donc de 23 heures.
Ce sont ses propres écrits, derniers mots qui ne sont pas sans époques plus anciennes que nous avons relatées : «.la liberié... ou la mon •
Le 29 avril, le convoi sera attaqué par l'aviation allemande. Son bateau sera touché. Le 1er mai, le convoi est en vue des côtes d'Irlande. Il monte au port de Liverpool.
Le 2 mai 1943, Paul est à Londres.
Après un entraînement particulièrement dur et intensif relaté dans la bibliographie existante, dès fin 1943 Paul Rollin participe déjà à un raid Commando les 25 et 26 décembre à Étretat (Seine-Maritime).
Arrive le temps du débarquement.
«Le 4e commando dont faisait partie Paul Rollin était désigné dans le débarquement pour une action indépendante du reste de sa brigade, le choix du 4e commando, le premier de tous à débarquer avec la mission la plus dure, avait été dicté par la présence des Français dans cette unité». (Philippe Kieffer, Chef du 4e Commando).
Paul Rollin sera blessé mortellement sur la plage de débarquement, à Ouistreham en Normandie le 6 juin 1944, face au casino de la ville dont ils devaient s'emparer. Rapatrié en Angleterre, il ne survivra pas à ses blessures et mourra le 12 juin à l'âge de 20 ans.
L'infirmier qui était auprès de lui sur la plage, Gwen-Aël-Bolloré, dit Bollinger. raconte dans «Nous étions 177 »:
«les barges de nos camarades anglais nous laissent prendre plusieurs mètres d'avance. Ainsi l'a voulu le colonel Dawson. Les Français seront les premiers. «Thank you Sir ! Nous apprécions ce geste...
Le docteur Lion a installé son poste de secours au creux d'un énorme entonnoir de bombe. Je vais l'y rejoindre. «Ça va docteur ?
«Pas très fort. Bouarfa a été grièvement blessé sur la plage. Tout à l'heure, quand nous ferons un mouvement vers l'intérieur, tu iras avec la troop numéro un ; moi je resterai avec la numéro huit. »
Quelle dérision de faire des projets en ce jour ! A trois mètres du rebord de notre trou, Rollin vient de pirouetter sur lui-même. Il s'est abattu, sans bruit, avec la grâce d'un acrobate.
Un signe de tête du docteur : nous voici à découvert. Il saisit les jambes, moi les épaules, et nous soulevons ce corps déjà alourdi d'indifférence.
Près de là, Péroné, embusqué dans une haie, m'interpelle : « - Tu es fou, Bollinger, tu vas te faire tuer ! »
Le bruit des canons de marine et le jappement des mitrailleuses est tel que je ne l'entends pas. Aussi, je me retourne pour l'interroger. Heureuse surdité! Au même instant, deux snipers tirent sur nous. Lion s'écroule. La balle qui m'était destinée s'écrase contre un mur, à quelques centimètres de ma tête.
Un cadavre pour deux, c'est déjà lourd, mais deux cadavres quand on est seul...
Montlaur a vu le drame et se porte à mon aide. Il arrive, très droit, très calme, sans chercher à se camoufler. A nous deux, nous ramenons les corps à l'abri.
Pour Lion, c'est déjà fini. Un peu de rouge suinte au niveau de la poche gauche de son battle dress. Une balle en plein cœur. Soudain, sa barbe se met à pousser à une vitesse accrue, presque à vue d'oeil. Son nez déjà mince prend l'épaisseur d'une lame de couteau. Ce soir, il n'accompagnera pas la troop numéro huit.
Me voici seul, bien seul."
Rollin, lui, a reçu une balle dans la tête. Un peu de mousse blanchâtre sort de la blessure. Une partie du cerveau coule lentement, mais il gémit encore. Je l'installe le plus confortablement possible et lui administre une piqûre de morphine. Que puis-je faire d'autre ? Seul, le docteur eût pu tenter la trépanation.
Peut-être que le médecin anglais ?
Je tâche de le faire prévenir.
Autour de moi, l'affaire devient de plus en plus chaude.
Le commandant Kieffer qui, malgré sa blessure, est venu nous rejoindre etc.
Souppes sera libéré le 21 août 1944.
Le 28 octobre 1944, un service à la mémoire de Paul aura lieu dans l'église de Souppes en présence de toute la population. Sa famille ne pourra faire revenir son corps dans sa ville natale que le 21 janvier 1949. L'enterrement aura lieu le 22 janvier dans l'église et son corps repose dans le cimetière de notre ville.
Il sera décoré de la croix de guerre avec palme et étoile d'argent ainsi que de la médaille militaire." Laurent Laloup le mercredi 03 juin 2009 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |