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Claude Moulin Français libre à 19 ans Rennes, mardi 01 novembre 2005 www.ouest-france.fr
"Le Rennais a été inhumé dans la plus grande discrétion
Claude Moulin est décédé à l'âge de 84 ans. Ses obsèques ont été célébrées, dans la plus stricte intimité, à l'église Toussaints, fin septembre. Ce combattant de la première heure est resté discret jusqu'à son dernier souffle. Nous l'avions rencontré cet été. Un moment émouvant.
Cheveux argentés, yeux vifs, voix un peu brisée par le temps, Claude Moulin portait ses 84 ans, doucement. L'homme, affaibli, avait derrière lui une vie, pour le moins, animée. Il a été conseiller municipal de Rennes de 1947 à 1977. « Un bail ! », lançait-t-il avec humour. Mais ce ne fut pas son seul engagement. Alors qu'il n'a que 19 ans, qu'il habite chez ses parents, grossistes en tissus à Rennes, le jeune homme sent le vent de l'Histoire. « Le 15 juin 1940, mon camarade Rondeau m'apprend que les Allemands seront probablement à Rennes dans deux ou trois jours. D'ailleurs, les Anglais déménagent à la hâte. J'en parle à mon père. Il n'hésite pas un instant à me dire oui lorsque je lui fais part de mon intention de partir pour le Sud afin de continuer le combat. » L'après-midi, il retrouve plusieurs camarades. Tout le monde est décidé à partir mais pas par les mêmes moyens.
« Mon cousin et moi choisissons le vélo. Le 16 juin, nous prenons la route jusqu'à Saint Jean de Luz. » Sur la route, ils apprennent que Pétain est devenu président du conseil et que l'on parle d'armistice. « Nous sommes scandalisés quand, parfois, nous entendons des gens s'exclamer : « La guerre est finie ! » C'est aussi sur la route que nous entendons parler de l'appel du général de Gaulle. »
Le 23 juin, au soir, Claude Moulin et son cousin tentent en vain d'embarquer à bord d'un paquebot en se mêlant à des civils britanniques de Pau. « On n'a pas pu. Les fusiliers marins français et anglais nous ont refoulés. » Ils y parviennent le lendemain, grâce à un général polonais qui leur fait donner des uniformes bricolés. Comme eux, 200 garçons bénéficieront de ce subterfuge. « A bord du paquebot Steam-Ship Ettrick, il y avait des Anglais, des Polonais, des Français et même le roi d'Albanie ainsi que la reine Géraldine, avec une minable suite ! »
Quatre jours plus tard, vers midi, le paquebot touche Plymouth et la côte anglaise. Le soir, Claude Moulin et son cousin sont à Londres et dorment à Empress-Hall, une sorte de cirque d'hiver. Ils reçoivent la confirmation de l'appel devenu historique. « Le lendemain matin, des officiers français viennent de la part du général de Gaulle et nous demandent si nous sommes volontaires. Le soir, en colonne par trois, nous partons au pas cadencé, précédés de deux bobbies à cheval et d'une banderole « Volunteers for général de Gaulle army ». Ma vie militaire a ainsi débuté. » Elle a entraîné Claude Moulin en Afrique, au Moyen Orient, dans le Pacifique... Jusqu'au jour où il démissionne pour reprendre l'affaire de ses parents.
Claude Moulin, le Français Libre, vivait doucement sa retraite d'ancien assureur (son dernier métier). De ces nombreuses campagnes, il ne tirait aucune gloire. En témoignent pourtant ses nombreuses décorations (Légion d'honneur, ordre national du Mérite, médaille de la Résistance avec rosette et autres médailles commémoratives) et les citations signées de grands noms de l'armée française de l'époque. « Tout cela, pour moi, n'a rien d'extraordinaire. C'était normal, ce qu'on a fait. »
Édouard MARET. " Laurent Laloup le vendredi 09 mai 2008 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |