Pierre François Marie Louis Boulle - Les Français Libres

Les Français Libres, de juin 1940 à juillet 1943

 
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Pierre François Marie Louis Boulle



Naissance : 20 février 1912 - Avignon (84)

Activité antérieure : liberal / cadre

Point de départ vers la France Libre : Orient

Engagement dans la France Libre : Chine en septembre 1941

Affectation principale : Terre DFL - Moyen Orient /

Grade atteint pendant la guerre et spécialité : capitaine

Décès à 81 ans - 31 janvier 1994 - Paris 16e

Dossier administratif de résistant : GR 16 P 80216

Dans la liste d'Henri Ecochard V40 : ligne 7284ligne 7306

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Pierre François Marie Louis Boulle - son Livre ouvert !
 

Pierre Boulle au service de La France Libre, le chapitre méconnu de "La Planète des singes"

C'est le titre d'un bel article de Benoît Hopquin sur lemonde.fr  paru le 2 avril 2023 sur l'expérience de Pierre Boulle et de ses années passées au service de la France Libre en Asie de 1941 à 1945, si importante dans sa vie et son œuvre.

Francis le dimanche 02 avril 2023 - Demander un contact

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"... Les promenades [ont] lieu le matin, dans une cour carrée de 10 mètres de côté dont les murs hauts de 6 mètres [sont] peints en noir : 25 détenus y [évoluent] ». Puis il est déplacé dans la cellule n° 4 et fait la connaissance d’autres prisonniers gaullistes, parmi lesquels William Labussière, le sergent métis Emile Greiveldinger (condamné à deux ans le 1er septembre 1941) ou le docteur Georges Béchamp.....

.En septembre 1942, l’inspecteur des affaires politiques Del, lors d’une visite des installations de la prison, décide de faire remplacer le grillage, en haut de la porte de la cellule, qui permettait une relative aération, par une plaque de tôle pleine et sépare le groupe des gaullistes en deux : ROBERT reste avec Greiveldinger, tandis que le lieutenant Richard et Pierre BOULLE sont mis au secret.
Profitant de ce que Greiveldinger, libérable sous peu, est autorisé à se rendre en ville, sous bonne garde, pour y recevoir des soins dentaires, ROBERT met au point, avec son aide, un plan d’évasion.,,,,"

wiki-sene.fr 

Laurent Laloup le samedi 19 octobre 2019 - Demander un contact

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DANS LA GUEULE DU "MA KOUI"

Pierre Boulle, qui deviendra l'auteur du "Pont de la Rivière Kwaï", fut un cas : alors que ses camarades se firent prendre en essayant de sortir d'Indo-Chine, lui se fit "pêcher" en y pénétrant clandestinemen!

Ingénieur dans une plantation de l'Ouest de la Malaisie, il avait été mobilisé en Indo-Chine en 1939. Démobilisé après la curieuse campagne de la guerre franco-thaïlandaise suscitée par le Japon, il était retourné en Malaisie où il avait repris contact avec un planteur qui deviendra le représentant de De Gaulle auprès de Lord Louis Mountbatten : De Langlade. Celui-ci regroupait tous les Français désireux de poursuivre le combat avec le Général De Gaulle. C'est à cette occasion que Boulle rencontra un évadé d'Indo-Chine : le Professeur May, un chirurgien de renom.

Avant de s'embarquer pour Singapour, Boulle avait constaté que les Japonais commençaient à s'installer en Cochinchine; partout créant des bases navales et aériennes en vue d'opérations vers le sud-est asiatique, selon un projet maintes fois exprimé ces dernières années au nom du "droit à l'espace vital". Etant encore à Saïgon, Boulle rencontra un ancien condisciple du lycée d'Avignon, officier de marine, qui se vantait d'avoir "participé" à une opération de reconquête de la Nouvelle-Calédonie : les fumées de deux unités de la Royal Navy dans les eaux des Indes Néerlandaises avaient refroidi l'ardeur de notre "armada de broc", que menaient des gens traumatisés par Mers-el-Kébir que n'avait pas encore justifié la capitulation de Toulon précédant le sabordage. Cette aventure constituait la matérialisation d'une des obsessions de l'Amiral Decoux : si les gouvernants de Vichy ne s'étaient pas opposés au projet, le Gougal d'Indo-Chine aurait terminé sa vie comme l'amiral de Toulon, Laborde. Telle était l'ambiance en Extrême-Orient lorsque Boulle parvint à Singapour, bien décidé à poursuivre la guerre contre l'envahisseur.

Il y avait eu, avant sa grande entreprise, une tentative de débarquement d'agents de renseignement franco-britanniques sur la côte de Cochinchine : elle avait dû rebrousser chemin à la vue d'une escadre japonaise croisant au large de Camau. Après Pearl Harbour et le débarquement de la presqu'île de Kha, en Malaisie, De Langlade avait suggéré aux Anglais de se faire parachuter en Indo-Chine pour y constituer une sorte de "5ème Colonne" contre les Japonais : Pierre Boulle se proposa pour l'accompagner. Le manque d'avions fit que l'affaire avorta : il n'y en avait que deux pouvant effectuer une telle mission, et ils étaient indispensables ailleurs. L'irrésistible avance des Japonais contraignit les Français à partir de Singapour et ils rallièrent l'Inde puis la Birmanie à la frontière de Chine, pour agir sur le territoire de l'Indo-Chine.

Ayant des accords avec Vichy qui entretenait une ambassade auprès de Tchang Kaï Sheck, les Chinois soulevèrent des difficultés mais, inquiets pour leur "Route de Birmanie" vitale, ils ne tardèrent pas trop à trouver un de ces arrangements dont ils ont toujours le secret : De Langlade et Boulle se feront passer pour des Britanniques. C'est sous cette identité que, individuellement, ils rejoignirent Kun Ming au cours de voyages homériques mais de train-train courant sur cette célèbre "Route"… Boulle était devenu "Rule" et Langlade, "Long" (à ne pas confondre avec André Lan, qui participera à l'évasion de Boulle et de ses camarades et appartenait au réseau Giraud-Lan). C'est ainsi que, peu avant l'arrivée des "Japs" à Singapour, Boulle quitta la ville le 30 Janvier 1942, via Rangoon.

La Chine n'était plus ravitaillée, avant l'entrée des Japonais en Indo-Chine, que par cette fameuse "Route de Birmanie" que Boulle réussit à parcourir en cinq jours et par le Chemin de Fer du Yu Nan qui, depuis Haïphong et Hanoï, conduisait à Kun Ming. Plus que la "route", qui n'était qu'une affreuse piste, notre voie ferrée constituait le poumon qui permettait à la Chine de résister, faiblement, aux troupes japonaises qui, depuis des années, s'essoufflaient dans une conquête sans cesse à recommencer. A en croire les Nippons, cette voie ferrée les empêchait de régler "l'incident de Chine"; comme ils appelaient pudiquement cette guerre de conquête commencée au nord de la Chine, au "Pont de Papier". En 1940, ils étaient à la frontière du Tonkin.

Depuis notre défaite de Juin 40 en France, nous avions dû faire des concessions aux Japonais quant à l'exploitation de la ligne. On en était rapidement arrivé à l'arrêt total de l'exploitation ferroviaire au-delà de la frontière du Tonkin et, pour éviter toute surprise, les Chinois avaient enlevé plusieurs longueurs de rails. Kun Ming, l'ancien terminus, était restée une place de commerce et de trafic. La ville fourmillait de toutes sortes d'espions et d'intermédiaires douteux opérant sans vergogne. Les ressortissants français, assez nombreux, se répartissaient entre les "pétainistes" frayant avec le consul et les "gaullistes" qui se regroupaient autour du Professeur Reclus, de l'Ecole Française.

Boulle avait 28 ans lorsque débuta, en Avril 1942, l'action de la Mission Indo-Chinoise conçue par Langlade à partir de l'important centre de douane de Mong Tseu. Là aussi évoluait une étrange faune cosmopolite trafiquant avec les colonels et généraux chinois qui reconnaissaient l'autorité de Tchang Kaï Sheck lorsque cela leur convenait. Mandarins et contrebandiers étaient de la partie, souvent associés. Tous ces gens étaient peu recommandables, mais avaient des intérêts communs liés à l'état de guerre.

La Mission Free French camouflée en mission du Colonial Office rejoignit la frontière du Tonkin au poste de Pin Kou Yin, où elle demeura un temps avant d'aller s'installer à Muong La, en Pays Thaï, face à la Province de Laïchau qui contrôle l'entrée dans notre 4ème Territoire Militaire du Tonkin, près du Nord-Laos. Mong Tseu est sur une crête de la rive gauche du Song Koï, le Fleuve Rouge qui s'appelle le Yan Kiang en Chine, et à l'Ouest du Chemin de Fer du Yu Nan qui franchit la frontière sur le pont de Lao Kay. La ville de Kun Ming est au nord. C'est une région où foisonnent les minorités ethniques et de langages.

L'endroit semblait bien choisi. Moins surveillé que les environs de Langson, il offrait deux voies de pénétration praticables : le Song Koï, Fleuve Rouge passant par Lao Kay, et le Song Da, la Rivière Noire passant par Laï Chau. Un premier contact avait été projeté pour Juillet 1942 avec le poste français de Ba Na Koum (les postes français et chinois, de part et d'autre de la frontière, portaient souvent le même nom). L'héroïque défense des Français Libres à Bir-Hakeim était connue partout et avait auréolé les Français Libres qui, pour la première fois depuis Juin 1940, avaient sauvé l'honneur de nos armes. Il y avait eu de longues tractations pour rencontrer le Commandant du Territoire Militaire et non le lieutenant du poste que les Chinois qualifiaient de "pê tê nii" ("pétainiste"). Il fallait donc attendre une inspection du Commandant Fourmachat au poste du Lieutenant P… Le commandant avait la réputation d'être disposé à combattre les "Japs" s'ils venaient sur son territoire; ce qu'il confirma lors du coup de force japonais de Mars 1945.

A cette époque, on avait tendance à confondre la compréhension envers ceux qui voulaient continuer le combat dans les unités des F.F.L. et l'opposition plus ou moins ferme aux Nippons en Indo-Chine: celle-ci pouvait avoir diverses motivations, y compris racistes comme le montrent divers récits et mémoires… L'influence du martèlement de la propagande de Vichy et les serments exigés de tous - auxquels étaient très sensibles les militaires qui n'avaient pas encore compris que nous ne menions plus la guerre d'autrefois - ne rendaient pas les choses simples; d'autant plus que le drapeau français continuait à flotter et entretenait la fiction de notre souveraineté entière.

Même lorsqu'on est d'accord, rien ne se fait facilement en Chine dans les multiples interférences politiques et d'affaires. L'utilité des différents intervenants n'est pas toujours évidente et les obligations de la déroutante politesse des Célestes font obligatoirement un casse-tête du moindre colloque. Quant aux "interprètes", c'était une corporation comme seule pouvait en être dotée la Chine : impossible ici de n'employer qu'un de ces personnages gonflés de leur importance et se refusant absolument à admettre que le sens d'un seul mot, fut-il technique, puisse leur échapper. Chacun d'entre-eux connaissait à peu près sa propre langue, dans son idiome villageois, et vaguement un autre parler vernaculaire. Le chinois-mandarin et le chinois du Yu Nan ne se parlaient que rarement dans ces montagnes peuplées de mosaïques d'ethnies dotées chacune de sa propre langue : on devine ce que pouvait donner une phrase parvenant au bout de la chaîne des interprètes ne voulant "perdre la face" !

Au cours d'une visite de bon voisinage faite par le Général chinois Fan au Commandant Fourmachat à Laï Chau, ce noble Céleste remit au Français une lettre personnelle de Langlade-Lan. Celui-ci, signant de son vrai nom suivi de sa qualité d'Officier des Forces Françaises Libres, demandait une entrevue avec le Commandant du Territoire Militaire de Laï Chau. Cela n'avait en soi rien de réellement extraordinaire, puisqu'il y avait des relations de "bon voisinage" admises avec les Chinois… contre lesquels les autorités d'Indo-Chine construisaient une "mini-ligne Maginot" et prétendaient défendre la colonie dans le cadre d'Accords franco-japonais de Défense Commune. Le commandant promit aux Chinois de lui répondre sous peu : on crut comprendre qu'il allait prendre ses dispositions pour que l'entrevue ait lieu, sans engagement sur les suites possibles. Il se ravisa, probablement après avoir rendu compte hiérarchiquement, car il n'y eut pas de réponse.

Des espions chinois ou indo-chinois avaient déjà été acheminés vers le delta : ils étaient sensés prendre contact avec des amis d'autrefois de Boulle. L'expérience fut décevante; ce qui conduisit à étudier l'envoi d'une mission d'Officiers de la France Libre, qui pourraient mieux se rendre compte des possibilités locales. De Langlade voulait payer de sa personne et entrer en Indo-Chine clandestinement; comme il le fit ensuite à plusieurs reprises. Un contre-ordre l'en empêcha : il devait rejoindre un poste de haute responsabilité dans l'organisation de la France Libre dans le sud-est asiatique. Fort de la connaissance du pays qu'il avait et des relations conservées au Tonkin, Boulle se proposa pour la mission aventurée en Indo-Chine.

Compte tenu des éléments naturels et de la surveillance à la frontière, la solution choisie fut de la franchir en se confiant à des contrebandiers habitués à se frayer un chemin à pied dans la jungle : on descendrait ensuite le Nam Na, affluent de la Rivière Noire (Song Da), puis il faudrait naviguer de nuit par Laï Chau et Hoâ Binh, jusqu'à Hanoï. Il y aurait beaucoup moins de risques de se faire repérer au cours de cette navigation insolite dans le delta; tandis que le passage par la montagne, beaucoup plus lent, aurait mis le clandestin à la merci de la cupidité d'un "Secrétaire" ou d'un Chef de Village avide de prime et d'occasion unique de "donner un gage de loyalisme envers l'administration"… qui pouvait aider fortement à faire passer l'éponge sur la contrebande que tous pratiquent normalement.

La solution de descendre la Rivière Noire en radeau avait été retenue comme offrant le plus d'avantages et de sécurité : on évitait ainsi les routes dont les tournants et les villages pouvaient cacher un danger et les pistes où les mauvaises rencontres avec des contrebandiers, les miliciens de la G.I. où les militaires n'étaient pas exclus dans des régions comme Hoâ Binh où la jungle impénétrable obligeait à emprunter les routes. On échapperait aussi au soudain tête-à-tête avec "ông cop", le "Seigneur Tigre", ou quelque buffle sauvage aux larges cornes en faux. Plus prosaïquement, on éviterait de laisser des traces que suivraient les chiens hurlants dans la nuit des villages endormis.

Compte tenu des rapides et des nombreux rochers affleurants du début du parcours, l'embarcation choisie était une sorte de radeau rustique, spécialement conçu pour une telle navigation.

Pierre Boulle construisit un engin en deux parties, à moitié immergeable, qui devait le porter avec ses impedimenta. Il en avait fait une étude sérieuse et n'était pas peu fier de son invention. Il regrettait cependant que le temps lui ait manqué pour tout vérifier et éprouver, mais le temps pressait.

La navigabilité du Nam Na, lui-même affluent de la Rivière Noire, était pratiquement nulle; ce qui signifiait que son cours constituait une piste de pénétration au Tonkin. Connue de tous, elle risquait d'être sous surveillance des miliciens ou des auxiliaires des douanes, au voisinage de la frontière, lorsqu'on devra emprunter son lit caillouteux, à pied et dans l'eau, pour pénétrer en Indo-Chine. Comme guides et pour le portage, on avait recruté des "Houni" - race réputée "sauvage" par les Tonkinois - qui vivaient de contrebande. C'étaient, malgré des charges inimaginables, d'increvables marcheurs. Ils connaissaient bien tous les passages possibles, dont ils ne dévoilaient jamais les tracés.

Les chinoiseries des traductions et des tractations terminées, la caravane s'ébranla enfin : on avait prévu de passer le 1er Août. Bien que démontable, le radeau de Boulle constituait un encombrant fardeau sur ces pistes de jungle montagneuse. Il comportait deux flotteurs en bambou que l'on reliait avant la mise à l'eau. Une planche était arrimée entre les deux éléments, sur laquelle le voyageur devait prendre place, n'étant pas assis hors d'eau. Précairement placé, il ne disposait que d'un long bambou pour contrôler la navigation. Les documents, le matériel de sabotage et le ravitaillement étaient répartis dans deux colis soigneusement enveloppés dans une toile imperméable et maintenus par des cordages.

La progression, de nuit et sans lumière, sous les rafales de ces pluies tropicales inondant hommes et terrain, irait dans le noir absolu entre des arbres immenses. Pour ne pas se perdre, Boulle devrait tenir la loque du vêtement de l'homme se coulant devant lui avec régularité : bien que vêtus de noir, les "Houni" semblent suivre la piste sans plus de difficultés qu'une colonne de fourmis. Ils progressent en silence, régulièrement sous la charge qui ne paraît guère leur peser. Boulle, lui, malgré ses qualités sportives, peinerait dur en dérapant sur les cailloux et glissant dans la boue; craignant de perdre le contact avec l'homme qui progressera devant lui et qu'il ne fera qu'entrevoir : l'aventure commencerait pourtant ensuite.

Laï Chau est entre les postes de Phong To et de M'Boum, gardant les vallées; à une dizaine de kilomètres à vol d'oiseau du point le plus proche de la frontière. Dans la Haute Région, le plus court chemin est rarement la ligne droite et une distance à vol d'oiseau ne constitue pas un renseignement topographique, tant les vallées sont séparées par d'impénétrables chaînes montagneuses recouvertes de jungle dense. Orientées selon une ligne générale N.O.-S.E., du Yu Nan au golfe du Tonkin, le Song Ma et le Nam Na encadrent une montagne, une dans la multitude qui descend du Tibet. Des rapides s'engouffrent parfois entre des falaises qu'ils rongent, se précipitant entre de monstrueux rochers qui en font des torrents fracassants, ou traversant paresseusement une jungle dégringolant d'un escarpement impressionnant. Çà et là, des failles ménagent un espace étroit où l'on découvre une modeste rizière bordée par quelques paillotes à moitié camouflées naturellement par de grands arbres tutélaires.

Dans la Haute Région, vivent des "Thô", race des contreforts tibétains jadis exploitée par les industrieux tonkinois qui affectent toujours de les considérer comme une race inférieure. Ces frontaliers vivent autant de contrebande que de culture du riz ou d'élevage de basse-cour; ne dédaignant pas la culture clandestine du pavot, qui est une institution de ces régions. Les Thô sont réputés pour leurs splendides costumes, différents selon le village. Des Chinois et des Tonkinois se sont établis au voisinage de la frontière. Ils sont généralement spécialisés en "import-export" plus ou moins clandestin et autres activités y concourant. Il y a aussi des fonctionnaires…

Des postes de la Coloniale et de la Garde Indo-Chinoise surveillaient la frontière, prêtant leur concours aux douaniers beaucoup moins actifs. L'administration des Territoires Militaires entretenait également des "partisans" villageois qui quadrillaient la région, à l'affût de nouveaux arrivants qui étaient autant de suspects dans les contrées hors des passages habituels. Pourvus de quelques vieux fusils et d'un paquet de munitions, ces partisans étaient en quête de captures génératrices de substantielles "primes". Ils avaient généralement vite fait de localiser l'étranger au hameau, signalé ou non, et de s'en assurer à moins que leur intérêt bien compris ne les ait rendus sourd et aveugle à l'occasion.

Les relations avec les postes chinois correspondant aux nôtres dépendaient de la personnalité du chef de poste, un lieutenant ancien ou un capitaine d'infanterie coloniale parlant parfois la langue du pays ou le tonkinois. Il n'était pas rare, surtout dans un petit poste, que son chef soit un sous-officier. Très vite, généralement à l'insu du Commandement au moins jusqu'en fin de 1944, il y eut des contacts par ces postes-frontières, non seulement avec les Chinois, mais aussi avec les officiers de renseignement britanniques ou américains : les informations parvenaient clandestinement au B.S.M., un service de renseignement créé avant la guerre par Georges Mandel, Ministre des Colonies. Le Colonel Maupin, qui dirigeait le B.S.M., ainsi que les autres officiers, étaient presque tous ralliés à la France Libre.

Dans ces postes, selon les périodes et surtout les nécessités de l'écoulement des productions indo-chinoises, ou de ses pénuries, certaines contrebandes étaient tolérées, voire encouragées sans que les gabelous en soient toujours avisés. Dans la région de Bac Lac, il y eut un temps où les "contrebandiers" passaient directement sur la route, en colonne et en vue du poste, sans attendre la tombée de la nuit. Cela déclencha un jour une grande colère d'un inspecteur des douanes venu de Hanoï. Il tonna, menaça tout le monde dans le poste et ne se calma qu'à la perspective de risquer la colère meurtrière des contrebandiers qui ne s'embarrasseraient pas - lui rappela-t-on - des subtilités de l'administration. En "haut lieu", lorsqu'il fit son rapport, on lui conseilla fortement d'oublier les règlements et de tenir compte des impératifs de la vie en période de pénurie et de marchés déséquilibrés.

Des responsables locaux entreprenants, parfois en contact avec la France Libre en Chine, réussissaient à se ménager des liens de bon voisinage avec leurs homologues chinois, eux-mêmes en contact avec un observateur anglo-saxon; comme étaient supposés l'être "Long" et "Rule". C'est ainsi que De Guerny, en apprenant à monter à bicyclette à "madame-épouse-lieutenant-chinois", découvrit un très performant central-radio de fabrication américaine… et s'en procura le chiffre. Une "poste" clandestine fonctionnait aussi parfois. Certains contacts se révélèrent très utiles lors du coup de force japonais du 9 Mars 1945 : le Capitaine F. Michel, échappé miraculeusement et à force d'énergie du piège mortel de Langson, réussit facilement et avec sa troupe, à faire passer une colonne retraitant vers la Chine, les guidant au poste qu'il avait tenu longtemps. Cron, le "décapité" était avec lui (Colonne Seguin).

Malgré les postes échelonnés, la frontière entre la Chine et le Tonkin n'avait rien de comparable à celle serpentant entre les lignes Siegfried et Maginot. Nos Ingénieurs du Génie avaient commencé à en construire une à l'échelle et avec les moyens locaux, pour garder la "porte du delta" à Langson. Totalement inefficace, elle fut enlevée rapidement par les Japonais lors des combats du 9 Mars 1945 et fut un prétexte au massacre des survivants par les "Japs", dont le Général Lemonnier qui en supervisait la construction. Peut-être en partie impressionnés par la propagande faite sur le "Mur de l'Atlantique" qu'ils reprenaient dans la presse et la radio d'Indo-Chine, nos grands chefs se sont aventurés dans "le béton", grâce aux cimenteries du Tonkin dont ils accaparaient la production et aux effectifs qu'ils détournaient de l'entraînement militaire. Chaque mois, pourtant, l'expérience démontrait que les formidables complexes souterrains des Japonais ne permettaient pas de tenir face aux assauts appuyés des "Marines" et des "G.I.'s", pas plus que n'avait tenu Corrégidor (ou Sébastopol); tandis que les fameux "Chindits" et "Marauders" de Birmanie apportaient la preuve de l'efficacité de troupes formées au combat de jungle et en perpétuel mouvement. A Laï Chau, nos constructions militaires n'étaient encore que des promesses, sur le plan "béton".

Dès le début, l'aventure de Boulle fut impressionnante. Le franchissement de la frontière se fit comme prévu : jungle impénétrable, escarpements, rochers et grosses pierres obligeant à des acrobaties à tâtons, nuit totale et pluie diluvienne, progression à la queue leu leu et, ce qui n'avait pas été prévu, presque tout de suite les pieds nus car les sandales ne résistèrent pas longtemps aux soudains reports de tout le poids du corps sur une seule lanière. Après une progression, épuisante pour lui sur les premiers kilomètres du Territoire Militaire, l'émissaire de la France Libre s'installa sur une rive pour s'y camoufler pour la journée, seul avec son matériel, non loin d'habitations qu'il découvrit à l'aube sur l'autre bord.

Le grand moment de l'aventure était arrivé. A la nuit tombée, il assembla les éléments de son radeau qu'il mit à l'eau après y avoir amarré ses colis étanches. Bien assis sur sa planche promue banc de nage, il poussa l'engin dans le courant. Il ne tarda pas à constater que son arche se révélait totalement impossible à guider, sans doute à cause de sa forme rectangulaire. Par contre, le radeau était très résistant et supportait bien les chocs sur les rochers affleurants qu'il était difficile d'éviter. Dans la nuit noire de la jungle, le navigateur solitaire ne retrouvait plus ses sensations de "canoïste" confirmé sur la Durance. Assis dans l'eau, il parvenait cependant à progresser vers l'aval encore bien éloigné.

De l'affluent aux eaux rares, il connut une descente folle sur le flot tumultueux de la Nam Na, avec l'intermède d'un pool, au pied d'une falaise où les eaux tournaient continuellement en rond, dont il pensa ne pas pouvoir se dégager. Somme toute, pensait-il, la navigation était moins confortable que prévue mais le système fonctionnait puisque la descente se poursuivait sans aléas majeurs dui fait de la résistance de son engin fait de bambous bien assemblés, souples et tenant le choc. Mais le "ma coui" (mauvais génie) du Son Da (Rivière Noire) l'attendait à l'aube de sa quatrième nuit. Alors qu'il dormait épuisé sur la rive, il fut arraisonné à 15 km. de Laï Chau par des villageois que dirigeait un Tonkinois parlant français : le type d'homme même dont il fallait se méfier. Boulle lui débita une histoire rocambolesque, préparée mais qui ne convainquit pas du tout : le prisonnier fut amené au village. Par crainte d'impair, tant cet insolite voyageur semblait assuré, il fut traité comme un hôte, mais discrètement surveillé de près. Au demeurant, ce qui comptait pour le Tonkinois était d'avoir fait la démonstration de sa vigilance, vis-à-vis des "autorités"; pour le reste il lui importait peu des suites qui étaient des problèmes compliqués de Français.

Le lendemain, le Lieutenant Peyre, Inspecteur de la Garde Indo-Chinoise, qu'on avait prévenu de nuit, était au chevet de Pierre Boulle; dans l'intention de "s'assurer de sa personne". Poursuivant sa galéjade de la veille, le navigateur malchanceux se présenta comme le prospecteur d'une grande compagnie : mission terminée, il avait fait le projet de rejoindre sportivement Hanoï sur un radeau. En soi, cela n'avait rien d'incroyable : le temps des aventuriers et des touristes intrépides fascinés par les montagnes sauvages d'Indo-Chine n'était pas révolu. Nous étions en outre dans une période où la colonie devant se suffire à elle-même faisait l'inventaire de toutes ses ressources. Ce qui paraissait bizarre par contre, était le manque de sociabilité dont avait fait preuve jusque là le canoïste d'un nouveau genre : personne ne l'avait encore vu, ni même signalé dans sa prospection. Les Européens, d'habitude, ne manquent pas d'aller saluer ceux qui se morfondent sur un piton loin des distractions. Le voyageur que leur bon génie leur envoie et qui, pour un jour, dissipera la monotonie des lieux, est assuré d'être reçu avec tout le faste que permet le poste ou la plantation. Pour être si discret il fallait que celui-ci soit d'un genre spécial.

Le Lieutenant de la Garde Indo-Chinoise se laissa probablement convaincre, aidé en cela par l'attitude coopérative du navigateur qui demanda tout de suite à être présenté au Commandant Militaire du 4ème Territoire. Il lui fut répondu qu'il devait attendre, cet officier étant en tournée. Superbement, Boulle répondit qu'il attendrait son retour à Laï Chau. L'inspecteur, qui ne savait comment le retenir sans risquer un "retour de bâton" si la fable n'en était pas une et si le prisonnier était "bien placé", s'en montra très satisfait et l'assura que ce n'était qu'une formalité à remplir, pendant laquelle on s'efforcerait de lui rendre la vie agréable.

Enfin, on avait de quoi meubler les soirées au bungalow et dans les maisons européennes ! On goba tellement bien la galéjade que Boulle fut invité aux noces d'un planteur qui comptait bien en faire l'attraction dont on causerait longtemps en Haute Région et dans tout le Tonkin. Le voyageur insolite fut présenté aux Européens, civils et militaires; ainsi qu'aux autorités locales asiatiques, flattées d'un si grand honneur sans concurrence qui les hausserait dans l'estime des villageois. L'hôte très entouré raconta son histoire, l'embellissant à souhait au risque de se trouver parfois embarrassé lorsqu'il se fiait aux souvenirs topographiques ou qu'il mentionnait des personnages rencontrés alors qu'il était mobilisé.

Celui que l'on considérait comme un explorateur-prospecteur amoureux de la navigation fluviale des temps anciens, fut logé dignement et vécut une semaine sereine : son histoire semblait acceptée, ce qui lui permettrait de prendre des contacts utiles avant de poursuivre sa route vers Hanoï. Le huitième jour était un Dimanche et le Commandant du 4ème Territoire Militaire venait de rentrer dans la nuit. Le "prospecteur" demanda à lui être présenté. Il fut reçu rapidement. Boulle déclina son identité réelle, dès l'abord. Le Commandant de Laï Chau répliqua calmement qu'il était un officier fidèle du maréchal envers lequel il avait engagé sa foi par serment. Il voulait rester dans cette ligne, sans compromission, et devait, en conséquence, arrêter sur-le-champ l'Officier de la France Libre. Il ne voulut pas entendre parler de "mission d'exploration-prospection", mais celui qui était maintenant un prisonnier fut traité de façon correcte à Laï Chau, avant d'être convoyé sur Hanoï. En 1945, le Flight Lieutenant Kino, de la Force 136 de S.O.E., en mission en Indo-Chine alors ralliée à De Gaulle, notera le comportement qu'il jugera aberrant d'officiers se déclarant ennemis des Japs, mais pour le reste "sans opinion". Fourmachat était de ceux-là : un militaire qui se trompait de guerre, mais qui savait se battre.

A son passage à Son La, Boulle eut le réconfort de se voir "reçu en ami" par le Résident et les officiers : sans aucune contrainte, il fut invité à leur table et logé dans une chambre. Mais, inéluctablement, la Maison Centrale de Hanoï marqua la fin de cette étonnante entreprise. Pendant quinze jours et quinze nuits, un commissaire opiomane et son équipe se relayèrent pour le questionner sans arrêt; le privant pratiquement de sommeil, boire et manger. Les mêmes questions lui étaient posées comme une litanie, reprises ensuite par l'un ou l'autre : on voulait lui faire avouer des choses qui n'avaient jamais existé.

Il se trouvait que, à cette époque particulièrement, l'Amiral Decoux voulait, à tout prix, "découvrir l'organisation gaulliste en Indo-Chine"; ce dont témoigne sa note manuscrite en date du 5 Août 1941 adressée au Secrégal et à l'I.G.P. une semaine avant l'interrogatoire, soit après la capture. Dans ce document comminatoire au Secrétaire Général du Gouvernement Général et à l'Inspecteur Général de la Police, le Gouverneur Général de l'Indo-Chine expliquait comment s'y prendre et concluait d'un impératif "me renseigner" sans réplique. On comprend que les inquisiteurs s'en soient trouvés stimulés et aient cherché à complaire au maître du jour à l'ire redoutable.

Faver voulait absolument connaître les noms des "complices en Indo-Chine". Vainement, parce que Boulle opposait le mutisme… et parce qu'il n'y en avait pas. Dans ses fumées d'opium, le commissaire ne reculait devant aucun chantage : "poteau", "Japs", "pauvre mère" qui résidait en France et à laquelle "on pourrait chercher des ennuis", toutes les menaces sournoises furent proférées. L'interrogatoire ne donnait rien alors que la propagande, qui s'était emparée de l'affaire, avait besoin d'un procès suivi d'une condamnation sévère qui effacerait le camouflet de la "fugue d'Arnoux" évoquée dans la note du mois d'Août du Gougal. Decoux y stigmatisait la conduite de la police : "Si l'on a répété dans cette affaire les mêmes erreurs que lors de la fugue d'Arnoux - non-arrestation de la maîtresse pour de stupides raisons de sensiblerie - on aurait eu gravement tort". La noria des questionneurs prit fin, sans avoir rien appris, et la date du procès fut fixée.

Il eut lieu en Octobre 1942 : Boulle fut traduit devant la Cour Martiale de Hanoï, qui avait bien du travail. Le Commissaire du gouvernement était le Commandant Pied, un professionnel dont d'autres firent connaissance. Le tribunal était présidé par le Colonel Assy, manifestement à ses débuts dans cet emploi qui le dépassait : il se montra d'autant plus enclin à la dureté qu'il était manifeste qu'il se perdait dans la conduite des débats. Un commandant et un capitaine l'assistaient, ainsi qu'un lieutenant puisque l'accusé avait ce grade. Un avocat tonkinois, désigné d'office, était supposé assurer la défense. Au fond de la salle, comme pour un peloton d'exécution, un adjudant et douze gendarmes attendaient, en armes, le prononcé du jugement. La chaleur était étouffante.

L'acte d'accusation soutenait que le Lieutenant Pierre Boulle était accusé de "s'être engagé dans une armée étrangère, avoir pénétré clandestinement en Indo-Chine". Pour ces motifs, il était passible de la peine de mort. Témoignages et plaidoiries furent sobres. Appliquant les consignes du Général-Commandant-Supérieur en Indo-Chine, Mordant, le commissaire du gouvernement exposa que l'action menée par le "Lieutenant de réserve Pierre Boulle" était de celles pour lesquelles la peine de mort était applicable : peut-être parce que, venant de Malaisie, l'accusé n'avait pas eu à déserter, le commissaire réclama les "travaux forcés à perpétuité". Questionné, Boulle répondit fièrement qu'il ne regrettait rien. Le jugement attendu tomba : Travaux Forcés à Perpétuité, ce qui, remarqua le condamné, correspondait aux initiales de la devise de l'Etat français : "Travail, Famille, Patrie". Le prisonnier fut reconduit à la Prison Centrale où il devait finir ses jours à moins d'une amnistie problématique dans l'Indo-Chine occupée.

L'Amiral-Gouverneur Decoux, comme il le racontera dans son livre-plaidoyer "A la Barre de l'Indo-Chine", vouait une admiration aux amiraux-gouverneurs du temps de la conquête, espérant peut-être avoir un jour son buste auprès des leurs dans le Palais du Gouverneur-Général à Saïgon, face au majestueux Boulevard Norodom; à deux pas de la cathédrale dont le chevet s'ornait d'une affiche immense proclamant qu'il n'y avait qu'un seul chef, le maréchal poupin à la moustache blanche dont l'oeil surveillait la foule comme un autre Cao Daï panthéifié avant sa mort. L'amiral, qui s'était vu nommer Haut-Commissaire dans le Pacifique en compensation du refus de Vichy de le laisser s'engager dans une aventure guerrière contre la Nouvelle-Calédonie sous la protection d'une flotte japonaise, ne dédaignait pas pour autant de s'intéresser aux détails patibulaires : c'est ainsi qu'il institua cette punition démoniaque appelée "La Barre de l'Indo-Chine" qu'il fit appliquer aux "traîtres gaullistes" qui n'eurent que le tort de vouloir continuer le combat.

Alors que ses amis Robert et Labussière firent l'expérience de la "barre", curieusement, Boulle échappa à cette torture, probablement parce que son flegme déroutait, comme son genre de protestation et d'opposition dont il ne se départit jamais : il ne reconnaissait aucun droit à ceux qui l'avaient condamné et le gardaient en prison. Il énonçait cela d'un ton glacial et très "british" auquel la chiourme n'était pas habituée et s'en trouvait désarmée. Il n'en connut pas moins les brimades et les longues semaines d'isolement au cachot, car le zéle envers la Révolution Nationale comptait beaucoup pour l'avancement des fonctionnaires.

Fin Mars 1943, le débarquement allié en Afrique du Nord et les opérations avaient été un succès. En Indo-Chine, cela commençait à faire sérieusement réfléchir les "fidèles du maréchal". Ils découvraient le revirement de leur idole maritime, l'Amiral de la Flotte Darlan, ce qui perturbait les marins dont le crédo était "la ligne de conduite de l'amiral"… maintenant traître au dire du maréchal ! Boulle décida de se manifester au plus haut niveau : il adressa une lettre à l'amiral-gouverneur-général, par laquelle il réclamait la "libération immédiate"… des prisonniers gaullistes, ainsi que leur acheminement à la frontière de Chine pour qu'ils puissent poursuivre le combat contre l'Occupant. Il précisait que la mesure devait être immédiate et que la proposition ne serait pas renouvelée. Le tout s'accompagnait d'une mise en garde correspondant à une menace précise; ce qui pouvait étonner d'un condamné à perpétuité dans le fond de sa cellule (page 10 de son rapport en date du 7 Décembre 1945, rédigé à Calcutta).

Dans les dernières semaines de 1944, Pétain étant à Sigmaringen, Decoux se rallia in extremis au gouvernement de De Gaulle. Il consentit quelques adoucissements; ce qui démontrait que, les "Japs" étant plus nerveux à cette époque, ce n'avait pas été pour leur donner des gages que le Gougal s'était montré si cruel pendant quatre ans. Boulle connut deux années d'emprisonnement à Hanoï, puis à Saïgon par peur d'une évasion des "gaullistes". Il forma une solide équipe avec d'autres condamnés pour avoir voulu continuer le combat, dont le Docteur Bechamp qui en mourut Labussière et Robert qui devinrent ses amis et avec lesquels je le rencontre souvent.

Lorsque les événements de guerre, sur tous les fronts, rendirent le vichysme moins virulent en Indo-Chine avant de l'inciter à se renier sans vergogne, les autorités commencèrent à craindre un débarquement allié sur la côte indo-chinoise. L'amiral décida de transférer les prisonniers gaullistes dans une prison du Laos. Au même moment, le réseau de résistants Mingant-Lan mit en oeuvre son projet de faire évader les "dissidents" de la prison de Saïgon, pour les faire passer en Chine. C'est ainsi que les trois amis réussirent une peu banale évasion en groupe, à laquelle participa De Langlade, à la fin mais spectaculairement : le Lieutenant F.F.I. Pierre Boulle, en fin 1944 revint aux Indes.

On doit à Pierre Boulle le livre "Le Pont de la Rivière Kwaï" dont a été tiré un magnifique film. Ce roman est considéré par ceux qui ont "pratiqué" les Japonais comme un véritable documentaire, ainsi que le film. Dans "Aux Sources de la Rivière Kwaï", Boulle raconte ses aventures en Indo-Chine, au temps de sa mobilisation contre le Siam et de sa captivité de Vichy.

C'est grâce à mon chef de Groupe Franc au cours de la Campagne de France en 1940, Eugène Robert, que j'ai fait connaissance avec Pierre Boulle et leur ami William Labussière : j'ai souvent le plaisir de les rencontrer en amis à la terrasse de la Coupole où ils évoquent parfois leurs souvenirs, Boulle toujours flegmatique et comme détaché des choses bien qu'auteur à succès; mais ceci est une autre histoire.

Jacques Ghémard le jeudi 03 septembre 2009 - Demander un contact

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Pierre Boulle

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Laurent Laloup le samedi 12 janvier 2008 - Demander un contact

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En novembre 1939, il est mobilisé et appelé à Saigon. Il multiplie les affectations en Cochinchine. En février 1940, il est affecté en Annam, en octobre au Laos. En avril 1941, démobilisé, il attend un visa anglais pour retourner en Malaisie. En juillet, il revient à Singapour (encore une partie de la Malaisie) et s’engage dans les Forces Françaises Libres FFL. En août, en stage au service anglais spécialisé dans l’espionnage des installations ennemies à l’étranger (la Force 316), il apprend à faire sauter des ponts. De là vient "Le pont de la rivière Kwai".

En janvier 1942, il rejoint la Chine depuis la Birmanie, en Buick, en mission sous le nom de Peter John Rule. En avril, il se rapproche de la frontière avec l’Indochine, pays occupé par les Japonais qu’il songe de plus en plus à rejoindre. En août, il descend le fleuve Namna dans l’espoir de gagner Hanoï , sur une embarcation de bambous qu’il a fabriquée. Capturé par des villageois, il reconnaît son identité devant un officier pétainiste et est incarcéré. En octobre, à la Cour martiale d’Hanoï, il est déclaré coupable de trahison et est dégradé, déchu de la nationalité française et condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Jacques Ghémard le samedi 12 mai 2007 - Demander un contact

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