L'un des principaux témoins entendu dès l'ouverture de l'audience, Mme Alice Vansteenberghe, épouse Joly, de Villeurbanne, met en cause Klaus Barbie dans cette affaire. A Montluc où elle était détenue après avoir été torturée par l'ancien chef de la Gestapo, cette grande résistante a vu Barbie procéder lui-même, dans la cour de la prison, au rassemblement des hommes et des femmes. Dans la Résistance, son nom de code était "Prunier", mais aujourd'hui ceux qui l'ont connu alors l'appellent "la Patronne", avec autant de respect que d'amitié... Le 5 août 1944, Alice Vansteenberghe était arrêtée par la Gestapo et torturée à plusieurs reprises par Klaus Barbie. Elle fut la première à l'identifier formellement après son arrestation grâce à un défaut du lobe de l'oreille qu'elle avait observé pendant l'un de ses interrogatoires. C'est à 78 ans qu'elle se présenta à l'audience dans une chaise roulante. Cinq vertèbres dorsales brisées précisément au cours d'un interrogatoire, elle ne pouvait marcher qu'à l'aide de béquilles. Elle parla brièvement, mais avec une éloquence impressionnante, de la torture. "Tous les gens qui ont fait de la Résistance, dira-t-elle, qui sont dans une armée irrégulière, savent les risques qu'ils encourent. Moi, j'étais devenue une loque. L'euphorie de mon corps dans le petit matin de juillet, juste avant d'être arrêtée, je n'ai plus jamais connu ça". Elle confiera à quelques journalistes, en sortant du prétoire : "J'ai l'air bien fatiguée, mais je suis forte parce que j'ai l'âme et le coeur solides, comme à vingt ans". Alice Vansteenberghe, tout comme son époux, était Officier de la Légion d'honneur. Elle décède le 9 février 1991.